dimanche 15 janvier 2012

Le rire

Il sentait venir le rire. Il ne savait pas pourquoi. Rien ne semblait aller dans sa vie. Ruiné, seul. Il a feuilleté un journal et rien ne l'avait réjoui. Mais il sentait venir le rire. C'est la crise. Tout va à vau-l'eau. La mort règne sans partage. Et il sentait venir le rire. Il n'entendait que les échos de la guerre. Les gens meurent dans les rues. L'agressivité est devenue un mode de vie. La terre est envahie d'intermédiaires, de proxénètes et de professionnels. Tout s'écroule et tout le monde le dit. Mais lui, lui? Il sentait venir le rire. D'abord, il crut que c'était un signe avant-coureur de la folie.Il crut être malade, atteint et abîmé. Il essaya de se lamenter, de s'apitoyer. Mais il continuait à sentir venir le rire. Il se dit qu'il n'était pas humain. Mais cela ne l'inquiéta pas. Cela ne le soulagea pas. Et tout tremblait, dans ses yeux tout flottait. Alors il essaya de tout retenir, de tout fixer. Il essaya d'oublier puis essaya de se souvenir. Il sentait venir le rire. Il se figea, se crispa. Il se força à se parler, à se raconter des histoires macabres. Il voulut s'avilir, se salir. Il chercha à se faire peur. Se convaincre qu'il était là où il était. Que tout cela était clair, que tout était vrai. Que le monde était tel qu'il le connaissait. Pas de doute. Pas de doute. Un tel l'a dit. Un autre l'a confirmé. Mais malgré tous ces efforts, il sentait encore venir le rire. Son souffle, coupé. Sa vue, brouillée. Son corps, parcouru de spasmes. Il commença à voir des lumières virevolter dans son regard. Il commença à percevoir mille autres réalités. Il commença à perdre son inquiétude. Il apprenait à vivre l'éternité. Il sentait venir le rire. Et son rire explosa, du milieu de son corps, il le vit comme un souffle qui annula le monde connu, qui annihila toutes les pensées volatiles, toutes les informations martelées. Son rire souffla la réalité. Et tout, tout ne fut que danse de lumières et de chants. Le monde s'effaça. Et soudain le monde des hommes s'en fut. Et le rire résonnait, palpitant, à l'endroit de tout ce qui disparut. Incontrôlé, incontrôlable, dans l'espace enfin vivant. Dans l'inconnu.

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mercredi 4 janvier 2012

Quarante-Huit

Quarante-huit lutins et un œil électrique
l'oiseau d'Hermès
retient encore mes ailes
Zeus persécuteur de dieux
je ne porterai pas ton égide

Je ne comprends pas ce que l'Homme de la Rue me dit
sur le temps qu'il fait, sur l'année qui s'avance
et sur l'apocalypse attendue
Désolé, mais mes oreilles sont pleines
des chansons de celle que j'aime
et mes rêves sont emplis
de son corps et mon corps
et mon autre corps.

Quarante-huit assassins et un œuf fatidique
les armes d'Arès
pèsent sur mes épaules
Zeus vendeur de menaces
je ne supporterai plus tes éclairs

Pour sortir ce matin
j'ai mis mon œil  de verre
j'ai chaussé ma jambe de bois
j'ai eu mon soûl des images
et je veux que mes pas n'appartiennent qu'à moi.

Quarante-huit points et une ligne illogique
Athéna-Chasseresse arrache de
mes mains cet arc
je suis las de faire le guet
et mon cœur a assez gelé
sur ces hauteurs enneigées

A midi je me suis assis
à ma table de lettres
et j'ai dessiné des prières
et des gestes déliés
j'ai cherché l'oubli
pour tout retrouver.

Quarante-huit derviches et un seuil critique
les Miroirs d'Apollon
ne reflètent plus mon image
Zeus proxénète
je quitte définitivement
ton lupanar

Le vol des faucons a dessiné
pour moi mille chemins
des ailes dans mon ventre
et rien qui me retient

Quarante-huit mesures et un rêve prophétique
Aphrodite m'a appelé
à renaître dans les écumes
Zeus-Chronophage
je n'ai plus d'espace
pour toi

Le monde en moi
retrouve son immensité
et toutes ces bannières qui flottent
ne peuvent flotter pour moi
J'élèverai peut-être
une branche
dans le ciel serein
pour montrer les nuages
ou pour rallier les destins.

...