samedi 24 septembre 2011

Alvéole 9

Alvéole 9 dans les brumes du matin, je me replie sur mon cœur verdoyant, concave,je protège ton mystère.

Un temps monumental s'égoutte dans le bassin et strie de reflets vivants les murailles qui retiennent l'espace.

La présence, le rêve et le pressentiment se sont enchevêtrés en moi comme des ondes à la surface de l'eau, comme les infimes tremblements qui font le corps et le soutiennent. Parfois le monde s'ajuste au monde et chaque chose, chaque être est à sa place, vivant simplement, absolument.

Que savons-nous de l'histoire, de notre histoire?
Nous avons appris à nous représenter le cours des évènements schématiquement, croyant y trouver de la clarté. Mais sous les tiraillements de la vie, une part du sens nous échappe et avec elle, plusieurs dimensions du réel. Parfois nous sommes confrontés à cette part dévaluée, cachée de ce qui nous entoure. Et pendant un moment, nous pouvons être entiers.

Était-ce par hasard? Par paresse ou par méfiance? Ou simplement par manque de foi?
Nous étions là. Nous avons bien travaillé, bien diné, et nous errions. Qui cherchait quoi? Je n'en sais rien. Nous avons cherché, peut-être. Ou pas. Mais nous avons trouvé l'inconnu. Et le silence nous a trouvés, enveloppés.

Au croisement de nos mondes respectifs et de tous nos rêves de partage. Au croisement de ce que nous sommes et de tout ce que nous rêvons d'être. Sans fin, déployés. Enfin ce que nous étions, nus, silencieux et simples. C'est vrai que j'ai pensé et repensé à plonger nu dans l'eau mais je me suis dit que j'allais troubler le reflet. Et je me suis retenu.

J'ai aimé votre silence.

Alvéole 9 comme un tremblement en moi hors de moi. Dans ces zones troubles où je ressens je pressens un univers qui permets nos plus indécentes folies nos ébats les plus extrêmes. Hommage doux à cet univers de planètes alignées d'astres en résonance.

Aimer enfin, sans frein, sans but.

Dans certains espaces les sens s'aiguisent. Chaque son, chaque lumière prend l'importance qui lui est due. Et l'univers s'y revit comme une perpétuelle création. Et comme toute création, il porte une part inquantifiable de mystère.

Le mystère a envahi mes tripes, comme une force évidente. Et je me suis abandonné à l'attente. Une attente qui abolit le temps au lieu de l'étirer. Une attente qui est celle du dévoilement. L'attente confiante de l'oracle.

Nous sommes absolument en nous et absolument en dehors. Ici et ici et partout et ailleurs, infiniment démultipliés, dispersés et unis à travers temps et espace et nous sommes entiers pour un instant dissous dans l'immensité et insolubles. Nous sommes l'issue et l'absence d'issue. Et tout est en équilibre, mouvant, changeant et indestructible.

Alvéole 9 cette pérennité surprenante de la sauvagerie des espaces qui abolit sans révolte mon insincère surdité. Dans mon sang un flamboiement tranquille. Dans mon sang la conscience d'une temporaire immortalité.

Éternue et m'éternelle dans ta pilosité secrète. M'enferme m'inferne dans des rêves sans conséquence. Comme un jeu d'enfant dans l'obscurité, ma dérive où je joue à me faire peur.

Alvéole 9 particulière dans un monde de semblables indiscernés, indissociés. Je rêve. Évidemment je rêve. Et dans mon rêve me rassure: Je peux voler. Alvéole 9 une porte sur des vérités sous-marines. Un pont vers un monde où le silence ne s'emplit que de vibrations vivantes.

Alors quelles oreilles? Quelles oreilles veux-tu avoir, toi qui te prépare à plonger en quête d'un être qui sera ton futur et non pas ton reflet? Toi qui par inadvertance ou parce que tu es las de résister, te prépare sans le savoir à t'affronter. Alors quelles oreilles pour conjurer ta surdité?

La majesté d'un mouvement lent et fluide dans les profondeurs de l'océan. Un glissement abolissant toute mécanique. Harmonieux dans la complétude des choses. L'eau est l’œil du poisson. L'eau est l’œil du poisson. Et la séparation n'est que de pure forme. Rien n'existe sans rien.

J'avoue. J'avoue que. J'avoue qu'avant d'arriver ici, arriver, ici, j'avoue que j'ai erré, erré, créé, rencontré, inventé des monstres sans queues, des monstres sans têtes. Et j'étais. Oui, j'étais, parfois, sans queue, ni tête. L'un. L'autre. Monstre. Soudain...

J'ai nié ta présence, comme l'être rationnel nie l'existence d'un fantôme tout en la souhaitant entièrement. J'ai nié ta présence comme parfois on nie la présence de ce qu'on rêve, la reléguant au rang des mirages. Parce qu'à force de déceptions, l'espoir nous semble souffrance. J'ai nié ta présence en l'appelant de toutes mes forces. Me voici. Te voilà.

Alvéole 9 est tout ce que j'ai voulu connaître du monde. C'est certainement un mensonge mais je n'en ai aucune honte. J'ai connu beaucoup de villes, beaucoup de lieux, certainement pas assez. Pas assez. Mais j'étais prêt. J'étais prêt à voir ce monde sauvage, à le faire mien et qu'il ma fasse sien. Et tout était accepté. J'acceptais.
Je sais que j'aime séduire et parfois j'écris pour séduire. Te séduire toi qui lis et séduire d'autres que j'ai peur de convaincre. Je ne veux pas convaincre. Et de quoi, d'abord, voudrais-je convaincre?

Alvéole 9 aérien aquatique je me rencontre terrien illimité accompagné rêveur solide aimant aimé sans bords centré. Quelle surprise! Je t'aime. Je vous aime. Et toute vie qui nous est donnée.

Le temps, l'espace, unis, se moquent de nos théories vaseuses. La présence, nous la sentons. Des désirs, évidemment, des élans, des connivences que rien dans ce monde ne voudrait empêcher. Aimer, absolument! S'y perdre, ou pas, se déployer, rêver. Le monde empêche parfois, mais le monde n'est pas là pour empêcher. Rêvons alors! Rêvons!
Rêver un monde, toujours neuf, renaissant, emporté, porté par ton corps qui est mon corps qui est ton corps, ailés, doux, sans bords, débordants dans l'océan infini qui clignote sa mémoire dans l'alvéole neuvième d'un port libéré. N'oublie pas! N'oublie pas! La mer est nôtre et l'océan attends le susurrement de nos nageoires, de nos ailes enfin désentravées.

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