jeudi 17 novembre 2011

Nuages

I

Se dresse se redresse contenu dans sa fureur enveloppé de douceur arbre vent nuage nous revoilà entrelacés entrainés entrainants dans le mouvement dans les chuchotements de l'air et des feuilles ouverts légers solides dans toute métamorphose tempête incidence.

Flotte voyage autour de son cœur dense sans inquiétude se transformant toujours renaissant cycle et signe des cycles confiant dans les noms du ciel dans les amplitudes du vent traverse et se laisse traverser vivant porteur de vie ailé dans l'éther sans limite changeant dérivant sans dériver dans son abandon.

Comme une clarté un instant plus qu'une éclaircie une respiration et de la lumière de la lumière qui embrasse les ombres pénètre tout sans rien abîmer ton inspiration serait une asphyxie sans expiration comme un souffle lumière la vie le vent à travers mon corps d'eau et d'air mon corps temps mon corps spacieux vibrant de ciel en ciel voyageur dissipé père et mère de la pluie et des éclairs respirer inspirer expirer continuer continuer.

II

Comme des mots troublants brillants et inconnus qui viennent m'habiter et qui m'ouvrent et qui me transportent. Comme des mots parfois ton corps tissé au mien dans une inamovible et douce présence. Comme des mots ce regard qui se fait toucher qui se fait chair et qui frôle qui caresse qui embrasse la peau et malaxe les organes. Comme des mots ce manque tantôt tendre tantôt douloureux ce manque de toi cette soif cette faim de tes sécrétions de ta chair de ta voix de tes gestes. Comme des mots cet élan de la vie vers la vie. Comme des mots des mains des mots des mains confiantes tendues.

III

" Ne détourne pas les yeux. J'ai dit ne détourne pas les yeux. Regarde! Regarde bien où tu es. Où tu t'es amené. Regarde! J'ai dit regarde! Ne détourne pas les yeux. Regarde bien autour de toi et ne change pas les noms et les choses. Ne filtre pas la lumière, ne ternis pas les couleurs. Regarde! Ne détourne pas les yeux! Et sois doux pour le monde. Sois confiant dans ton regard. Rien ici ne viendra délibérément te blesser. Et rien ne va inopinément disparaître. Regarde j'ai dit regarde! Regarde ta peur puis laisse-la s'éteindre. Vis ta souffrance et laisse-la te traverser. Ne fuis pas! Ne te fuis pas! Laisse la beauté apparaître."

IV

J'avais marché jusqu'ici. Je ne me souvenais plus. Je me sens perdu et je m'en inquiète un peu. L'inquiétude passe mais revient puis passe. Je ne reconnais pas cette place. Tout cela me semble si neuf. Entre inquiétude et curiosité. C'est troublant.
Je dois réapprendre mon nom et le nom de toute chose. Je dois réapprendre la langue des airs et les mouvements de l'espace. Je crois savoir comment me mettre debout. Il faut que je réapprenne à marcher. Je sais que j'ai marché pour arriver ici. Je voudrais me souvenir des secrets qui m'ont été révélés. Je voudrais me rappeler les passes magiques, retrouver les signes caché.
Comment ai-je pu oublier?

V

Pardonnez-moi, mes chers morts je ne vous suivrai pas.
Revenez me hanter autant que vous voulez
mais je ne vous suivrai pas
j'ai esquissé des pas dans vos pas
et j'ai suivi toutes les ombres
que vous avez laissé
aujourd'hui je me détourne
et m'en retourne à mon chemin
Je ne vous suivrai pas.

VI

Je suis devenu une proie quand j'ai pensé être poursuivi.
J'ai commencé à mourir quand j'ai cru qu'on pouvait me tuer.
Terrifié j'ai couru à travers les ronces que j'ai moi-même planté.
J'ai blessé ceux que j'aime.
J'ai trompé ceux qui m'ont aimé.

Je voudrais me souvenir de ma douceur et de la bienveillance de l'univers.

Très haut, au-dessus, je vois la danse des nuages et de la lumière.
La vie perpétue la vie
et la beauté nourrit la beauté.

Je voudrais me souvenir.

Aimer!

...

samedi 24 septembre 2011

Alvéole 9

Alvéole 9 dans les brumes du matin, je me replie sur mon cœur verdoyant, concave,je protège ton mystère.

Un temps monumental s'égoutte dans le bassin et strie de reflets vivants les murailles qui retiennent l'espace.

La présence, le rêve et le pressentiment se sont enchevêtrés en moi comme des ondes à la surface de l'eau, comme les infimes tremblements qui font le corps et le soutiennent. Parfois le monde s'ajuste au monde et chaque chose, chaque être est à sa place, vivant simplement, absolument.

Que savons-nous de l'histoire, de notre histoire?
Nous avons appris à nous représenter le cours des évènements schématiquement, croyant y trouver de la clarté. Mais sous les tiraillements de la vie, une part du sens nous échappe et avec elle, plusieurs dimensions du réel. Parfois nous sommes confrontés à cette part dévaluée, cachée de ce qui nous entoure. Et pendant un moment, nous pouvons être entiers.

Était-ce par hasard? Par paresse ou par méfiance? Ou simplement par manque de foi?
Nous étions là. Nous avons bien travaillé, bien diné, et nous errions. Qui cherchait quoi? Je n'en sais rien. Nous avons cherché, peut-être. Ou pas. Mais nous avons trouvé l'inconnu. Et le silence nous a trouvés, enveloppés.

Au croisement de nos mondes respectifs et de tous nos rêves de partage. Au croisement de ce que nous sommes et de tout ce que nous rêvons d'être. Sans fin, déployés. Enfin ce que nous étions, nus, silencieux et simples. C'est vrai que j'ai pensé et repensé à plonger nu dans l'eau mais je me suis dit que j'allais troubler le reflet. Et je me suis retenu.

J'ai aimé votre silence.

Alvéole 9 comme un tremblement en moi hors de moi. Dans ces zones troubles où je ressens je pressens un univers qui permets nos plus indécentes folies nos ébats les plus extrêmes. Hommage doux à cet univers de planètes alignées d'astres en résonance.

Aimer enfin, sans frein, sans but.

Dans certains espaces les sens s'aiguisent. Chaque son, chaque lumière prend l'importance qui lui est due. Et l'univers s'y revit comme une perpétuelle création. Et comme toute création, il porte une part inquantifiable de mystère.

Le mystère a envahi mes tripes, comme une force évidente. Et je me suis abandonné à l'attente. Une attente qui abolit le temps au lieu de l'étirer. Une attente qui est celle du dévoilement. L'attente confiante de l'oracle.

Nous sommes absolument en nous et absolument en dehors. Ici et ici et partout et ailleurs, infiniment démultipliés, dispersés et unis à travers temps et espace et nous sommes entiers pour un instant dissous dans l'immensité et insolubles. Nous sommes l'issue et l'absence d'issue. Et tout est en équilibre, mouvant, changeant et indestructible.

Alvéole 9 cette pérennité surprenante de la sauvagerie des espaces qui abolit sans révolte mon insincère surdité. Dans mon sang un flamboiement tranquille. Dans mon sang la conscience d'une temporaire immortalité.

Éternue et m'éternelle dans ta pilosité secrète. M'enferme m'inferne dans des rêves sans conséquence. Comme un jeu d'enfant dans l'obscurité, ma dérive où je joue à me faire peur.

Alvéole 9 particulière dans un monde de semblables indiscernés, indissociés. Je rêve. Évidemment je rêve. Et dans mon rêve me rassure: Je peux voler. Alvéole 9 une porte sur des vérités sous-marines. Un pont vers un monde où le silence ne s'emplit que de vibrations vivantes.

Alors quelles oreilles? Quelles oreilles veux-tu avoir, toi qui te prépare à plonger en quête d'un être qui sera ton futur et non pas ton reflet? Toi qui par inadvertance ou parce que tu es las de résister, te prépare sans le savoir à t'affronter. Alors quelles oreilles pour conjurer ta surdité?

La majesté d'un mouvement lent et fluide dans les profondeurs de l'océan. Un glissement abolissant toute mécanique. Harmonieux dans la complétude des choses. L'eau est l’œil du poisson. L'eau est l’œil du poisson. Et la séparation n'est que de pure forme. Rien n'existe sans rien.

J'avoue. J'avoue que. J'avoue qu'avant d'arriver ici, arriver, ici, j'avoue que j'ai erré, erré, créé, rencontré, inventé des monstres sans queues, des monstres sans têtes. Et j'étais. Oui, j'étais, parfois, sans queue, ni tête. L'un. L'autre. Monstre. Soudain...

J'ai nié ta présence, comme l'être rationnel nie l'existence d'un fantôme tout en la souhaitant entièrement. J'ai nié ta présence comme parfois on nie la présence de ce qu'on rêve, la reléguant au rang des mirages. Parce qu'à force de déceptions, l'espoir nous semble souffrance. J'ai nié ta présence en l'appelant de toutes mes forces. Me voici. Te voilà.

Alvéole 9 est tout ce que j'ai voulu connaître du monde. C'est certainement un mensonge mais je n'en ai aucune honte. J'ai connu beaucoup de villes, beaucoup de lieux, certainement pas assez. Pas assez. Mais j'étais prêt. J'étais prêt à voir ce monde sauvage, à le faire mien et qu'il ma fasse sien. Et tout était accepté. J'acceptais.
Je sais que j'aime séduire et parfois j'écris pour séduire. Te séduire toi qui lis et séduire d'autres que j'ai peur de convaincre. Je ne veux pas convaincre. Et de quoi, d'abord, voudrais-je convaincre?

Alvéole 9 aérien aquatique je me rencontre terrien illimité accompagné rêveur solide aimant aimé sans bords centré. Quelle surprise! Je t'aime. Je vous aime. Et toute vie qui nous est donnée.

Le temps, l'espace, unis, se moquent de nos théories vaseuses. La présence, nous la sentons. Des désirs, évidemment, des élans, des connivences que rien dans ce monde ne voudrait empêcher. Aimer, absolument! S'y perdre, ou pas, se déployer, rêver. Le monde empêche parfois, mais le monde n'est pas là pour empêcher. Rêvons alors! Rêvons!
Rêver un monde, toujours neuf, renaissant, emporté, porté par ton corps qui est mon corps qui est ton corps, ailés, doux, sans bords, débordants dans l'océan infini qui clignote sa mémoire dans l'alvéole neuvième d'un port libéré. N'oublie pas! N'oublie pas! La mer est nôtre et l'océan attends le susurrement de nos nageoires, de nos ailes enfin désentravées.

..





vendredi 17 juin 2011

Derviche 1

Nous étions si beaux, si forts, si puissants. Et quand le piédestal sous nos pieds nous a été retiré, un vertige nous a pris, nous a emporté. D'exil en exil, on chutait et on chutait. Mais on a appris et on a appris. Et on a appris à tisser de nos paroles un destin. Dans les immenses plaines de la langue, on s'est construit un pays, des palais où nos désirs peuvent grandir, des jardins où notre amour peut fleurir et des citadelles où la force de notre faiblesse nous protège de la force de notre force. Et on a appris. On a appris de forger de notre désespoir mille fenêtres ouvertes sur la folie du monde, sur les cœurs des hommes et sur les illusions du temps.
Et nous voici, nous, les vaincus, les troyens de ce monde et notre histoire est encore à raconter. Alors, inscris, agent, dans tes fichiers que nous sommes nés une première fois, des entrailles endolories d'une femme, exactement comme toi et une deuxième fois de la cuisse sanglante d'une défaite. Note, agent, dans tes ordinateurs. J'ai reçu l'ordre de disparaître, une injonction à m'effacer, devenir transparent, cesser d'exister. Mais je n'ai pas pu ou je n'ai pas voulu. Peut-être ai-je oublié. Je crois que j'ai perdu le papier qu'on m'a donné. Enfin...

Drapé dans sa solitude immaculée, il marchait et il marchait. Dos à la lumière il disait: exilés par des exilés, toi et moi, mon ombre fidèle, on a erré, toi et moi, et dans chaque sourire on a cherché la joie, dans chaque toucher on cherchait la tendresse. Dans chaque goutte d'eau on voyait l'océan. Tandis que la perte restait toujours vive et le retour toujours ajourné.
Ulysse, toi et moi poursuivis par la vengeance des puissants nous voyions le chemin du retour se perdre dans la distance, dans les détours, dans l'encombrement de la circulation. Alors...Alors? Alors rêver, pendant les heures d'attente, pendant les nuits de transit. Rêver. Rêver le monde entier. Rêver le vie depuis ses débuts. Rêver pour apprendre à aimer. Même si la perte reste vive, même si le retour est ajourné, continuer à déguster l'odeur matinale du café, continuer à chuchoter les lèvres collées à la peau aimée.

Digne, mon ombre, tu es restée quand les frontières sont venues nous assiéger, quand des armes sans visage sont venues nous encercler. Digne, mon ombre, tu t'es inventé une profondeur que les bombes ne pouvaient secouer. Et en toi, nu, j'assiégeais ceux qui m'assiégeaient. Je n'ai pas de haine pour vous, je leur disait, et vous êtes libres d'aller où bon vous semble, ou rester ici, en paix.

De ci-près je vois clairement ton visage, toi, l'ennemi, qui est en moi et je n'ai pas de haine pour toi. Nous voici, face à face, vainqueur et vaincu. Si près c'est difficile de s'ignorer. On pourrait se frapper. On pourrait se parler, se connaître, se mordre, se toucher. S'aimer. Si près. Que reste-t-il pour venir nous départager?


...

dimanche 8 mai 2011

Le singe

I

Non, je n’ai pas renié le singe. Je n’ai pas rejeté ses gestes. Je n’ai pas effacé son image. C’est vrai ! Quand le tonnerre a grondé, je me suis réfugié dans la caverne et pour conjurer la peur, je me suis inventé un art, j’ai conçu une sorcellerie. Mais je n’ai pas renié le singe. Évidemment, j’ai acquis une technologie. Mais je n’ai pas pour autant abandonné la forêt. Mon amitié pour l’arbre est profonde. J’ai écrit une religion, j’avoue, pour organiser le temps, pour réguler la horde. Mais je n’ai rien démenti. Je n’ai pas empêché le désir. Je n’ai pas voulu contrôler la vie. Non, je n’ai pas renié le singe.

Quand les autres sont venus boire à mon étang, je me suis défendu et j’ai dit : aux armes ! J’ai créé le combat et les techniques de combat. Non, je n’ai pas renié le singe. J’ai trouvé du feu, quelque part. Trouvé du feu, terrifiant et fascinant. J’ai appris à brûler. J’ai appris à encercler les territoires.

Non, je n’ai pas renié le singe. Je n’ai jamais su vivre sans la terre, sans l’air, sans l’eau. Je n’ai jamais su vivre au-delà des animaux. Mais j’ai voulu raconter les histoires de chasse. Et j’ai voulu raconter des saisons qui ne sont pas celles de la chasse. J’ai voulu me souvenir, comme j’ai voulu oublier. Non, je n’ai pas renié le singe. J’ai forgé des signes pour que les histoires m’échappent et me survivent. Et j’ai confié mon histoire à la pierre, j’ai confié mon histoire à la peau. J’ai confié mon histoire au papier et j’ai confié mon histoire à l’électricité.

II

Non, je n’ai pas renié le singe. J’ai noyé ma sève dans la chimie et plongé mes branches dans la pharmacopée. Je saignais et m’écorchais. Et je me répétais : « Je suis fort, ça va aller. Je suis fort, ça va aller ! » J’ai dissous mon chagrin dans les acides. J’ai couvert mes désirs de sales écrins. Mais toujours ma soif était pour les sources pures. Ma faim était pour les fruits sauvages. Et dans mon sommeil j’entendais l’éveil de la forêt, le chant des bêtes et l’appel des oiseaux.

Non, je n’ai pas renié le singe. J’ai planté des drapeaux sur les hautes cimes et j’ai regardé l’espace avec envie. J’ai idolâtré la science, j’ai conçu le néant. J’ai joué de l’atome et j’ai voulu maîtriser le sang. Mais une douce caresse me fait pleurer. Et un sourire me disperse à tous les vents. Je n’ai cessé de chercher ma vie et ma vie palpite entre ses mains. Je n’ai cessé de chercher la joie et la joie vibre en elle comme un destin. Avec elle je rêve de la canopée et des jungles luxuriantes, je rêve de mélodies enivrantes et d’un retour vers la forêt.

Non, je n’ai pas renié le singe. Entouré de machines, j’ai fait la guerre au territoire. Je me suis acoquiné avec le bitume et j’ai courtisé le béton. Mais ma peau n’aspirait qu’à sa peau, mon souffle ne respirait que son souffle.

III

Non, je n’ai pas renié le singe. Non, je n’ai pas renié le singe. Tous mes réflexes me reviennent. Et tous mes sens sont aiguisés. Mes bras se tendent vers les branches et mon instinct s‘est réveillé. Je reconnais enfin le monde qui m’entoure et je sais déchiffrer les signes cachés. Le ciel au-dessus de moi est redevenu grandiose et la terre sous mes pas respire la magie. Les lianes dans mes mains s’emplissent de paroles, l’air sur mon visage est abreuvé de chansons. Non, je n’ai pas renié le singe. De mes membres étirés j’embrasse la nature et j’embrasse l’amour. Je me dévêts sans regrets des violences de mon humanité et m’abandonne en toute conscience à la danse vive de la beauté. Je m’abandonne enfin à la vie. Je m’abandonne à la sérénité. Non, je n’ai pas renié le singe.

..

lundi 11 avril 2011

lundi 4 avril 2011

V.


Devenir machine devenir méca méta mathématique
devenir froid métal processeur
pour ne rien ne rien ne rien ressentir
IL NE NOUS EST PAS ENCORE PERMIS DE NE PAS TUER
Et tout est calme
tout attend
respiration régulière état normal
on se guette on s’observe
on se jauge se mesure
se surveille
tout est calme
et attend
et viennent les mots
souvent par des mots
ça commence comme ça
par des mots
chacun ses mots chacun sa langue
on écoute on attend
on a appris à tout écouter
patiemment
on écoute même sans comprendre
sans chercher à
sans vouloir comprendre
on a appris à écouter jusqu’au bout
tous les discours
accepté tellement de mots
nos oreilles modernes ont d’exceptionnelles
capacités digestives
l’évolution cela s’appelle
l’évolution
mémoire vive mémoire morte
extension capacité étendue
et tout est calme
on s’épie
attend
position stable équilibre
battement de cœur réguliers
devenir solide fixe cristallisé
devenir calculatrice devenir intégrateur
rouage bien huilé insensible anesthésié
IL NE NOUS EST PAS ENCORE PERMIS DE NE PAS...
bientôt…
puis viennent les images
fragments d’abord lumières colorées
éclairs sans cohérence
mais tout s’organise très vite
on sait faire aussi on sait
organiser ordonner
classer trier encadrer
technique de l’image
technologie de la vision
impossible de résister
l'image nous attrape
nous envahit
et s'incruste dans les circuits
s'imprime
plus réelle que toutes les dimensions
du réel
l'image nous tient
dans son plan dans sa surface
état de siège
sans issue sans tangente
et on ne cesse d'inventer
la profondeur
d'ajouter des dimensions à l'image
on ne cesse de construire
un sens un fond
une perspective
impossible d'y échapper
on reste dans les cadres
à vue
rester visible
les mains bien en évidence
pas de geste brusque
pas de mouvement agressif
le regard vide
juste ce qu'il faut d'intérêt
pour ne pas éveiller les soupçons
toujours calme
ne montrer aucune méfiance
aucune tension
le corps au repos
mais vigilant
on s'observe
on se surveille
on s'épie
mais calmement
sans animosité
aucune agressivité
en attendant
tout est calme
IL NE NOUS EST PAS ENCORE PERMIS DE...
Mais bientôt…
se déploie la technique
rituel et apparat
strip-tease body-building
séduction et bluff et marquetique
danse nuptiale géométrique
rêve phallique et promesse apocalyptique
machine de machine avec des attributs ostentatoire
d’une virilité arriérée et obscurantiste
escalade
surenchère
d’industrie et de discours
les relations publiques comme substitut
à toute politique
nous vous proposons ce soir
sur la scène du Théâtre du Globe
un ballet de missiles balistiques
d’avions furtifs et de sous-marins nucléaires
après la représentation vous serez conviés
à un buffet carnivore
qui sera suivi d’une conférence sur
le bon usage de la terreur
dans les négociations de voisinage
et pour conclure notre soirée
un exquis défilé de haute couture
de la nouvelle collection hiver nucléaire
merci de votre attention
et bon appétit
tout va bien
tout est calme
rien ne bouge rien ne tremble
chiens-loups de faïence
visages lisses
mais l’attention se concentre
chacun compte ses chances
recalcule ses lignes
vérifie ses tactiques
et pour tous il est évident qu’
IL NE NOUS EST PAS ENCORE PERMIS DE NE PAS TUER
et bientôt…
dans les rues sur les boulevards
s’avance la foule
ce qu’on a inventé de mieux
pour sanctifier la solitude
riches débranchés pauvres embourgeoisés mégères téléguidées dragueurs du manque minettes mal-trouées artistes de leur vacuité comédiennes de chambre sportifs auto-castrés vieilles peaux tirées bourgeoises en quête de décadence pickpockets exhibitionnistes voyeurs sans désirs allumeuses sans confiance hommes importants et sans consistance starlettes de seconde main consommateurs sans appétit adolescents sans révoltes putes pleines d’orgueil fous sans monde enfants sans rêves jolies plantes sans racines cocus en vengeance dominés en quête de pouvoir fiers en recherche d’humiliation miséreux avec apparence sages de location saintes dévergondées moralistes de l’assiette penseurs de l’apéro mannequins de leur tristesse muses d’occasion héros du pas moi soldats usagés troisièmes couteaux cinquième colonne
prêts et disciplinés
et tout est calme
tout est bien
ainsi s’avance une foule au bord du carnage
sous le soleil permanent du cannibalisme
tous s’observent
ils s’épient
se surveillent
ne vous fiez pas aux apparences
je vous vois et vous me voyez
nous sommes prêts
nous savons ce que nous devons faire
vous et moi
nous attendons tous le signal
et vous et moi
tous nous savons qu’
IL NE NOUS EST PAS ENCORE …
et bientôt…
retombent les rêves
nuée ardente
de chimères
qui s’entrechoquent
s’entredévorent
et tournoient
des créatures de la pensée
se tiennent parmi des spectres
ancêtres et prophètes
héros et martyrs
illustres revenants de l’histoire des hommes
disparus qui assaillent les vivants
chacun en quête d’existence
luttant pour une prise sur le temps
folies du passé
et sublimes idéaux
combattent sans cesse
pour revenir pour s’incarner
se frayant un chemin
à travers les siècles
et les cadavres qui jalonnent les siècles
vainqueurs et vaincus
empires et utopies
rebelles et tyrans
s’affrontent pour toujours
trace contre trace
entre souvenir et oubli
dans la froide éternité
de l’esprit
rêves nobles et misérables lubies
dans la mémoire des hommes
ne cessent de s’inventer
un avenir
ne cessent de se creuser
un chemin
et les hommes tremblent
succombent
résistent
méfiez-vous
méfiez-vous de ce que vous rêvez
et tout est calme
tout est bien
rien ne bouge pour le moment
et tous attendent
IL NE NOUS EST PAS ENCORE PERMIS DE …
bientôt …



...


lundi 7 mars 2011

Aho-Maho au Délirium.


Sorcier: vendredi. 1ère partie: Médecine.

Quand vous avez inventé la mort
je volais avec l'adorée
et le ciel était pour nous
tout à la fois
terre et abîme

Quand vous avez inventé la mort
je me désintéressai des batailles
brisai mes armes et noyai mon bouclier
nu je dansai en riant
nu je dansai en pleurant
et nu
je dansai

C'est vendredi
et je ne sais pas qui s'est réveillé en premier
le chat ou moi.
Et nous nous sommes poursuivis
de chambre en chambre
le chat et moi
d'un meuble à l'autre nous sautions
parfois agressifs parfois caressants
nous parlions quelques fois
et parfois nous nous griffions
jusqu'à retenir l'attente
jusqu'à contenir l'appréhension.

Pendant des heures j'affinai mes cris
j'effilai mes traits
pour pouvoir
pour pouvoir les lancer
m'élancer
par-dessus le canal.
Tamagawa et une incantation
une ritournelle vive
un chant pour une ultime résurrection.

Pendant des heures
j'attendis le temps
tout mon être en suspension.

Retenir
Tout retenir
la joie l'attente et la douleur
Tout retenir
l'envol le rêve et la douceur.

Un vendredi
pour l'amour, pour la vie.
D'un vendredi à l'autre
J'erre, calme et attends.
Ici ou là, et un chat.
J'attends. Ton temps.

Je t'ai vue arriver
et je n'ai pas voulu
te regarder partir.

Et de ce moment
de ce temps
je ne voudrais rien dire
je voudrais tout garder
les mots les larmes les sourires.

Tu es entrée dans cette parole
dans ce monde dans ce cœur
comment pourrais-je te laisser sortir?

Je n'ai pas voulu te regarder
partir.

Je suis rentré en titubant
à travers un monde absurde
un trou dans le corps
un cœur en lambeaux
je m'écroulai une fois
et deux fois et cent fois
en moi se relevait la rage
et une impitoyable folie.

Vendredi me vrille.

Obéissant à un appel sauvage je me transforme
Vendredi un cri
la bave aux lèvres
je deviens rien
puis deviens mur
puis deviens chien
la bave aux lèvres
je complote les morsures.

Vendredi s'écroule
et me reconstruit
enfin sans horaire
le soir
vendredi.

Où est mon pantalon
où est mon corps
et le miroir
où le monstre s'éveille
et rit.

Chien et précipice
ce n'est qu'un début
Vendredi-les-prémices.

(Noir ou Rideau. Entracte)

un autre vendredi
ou un tout autre jour


je suis porté
emporté
par une puissance
vive
bienveillante et ancienne

En bonne compagnie
l'Anaconda m'emmène

Aya
comme un chant
qui en toute douceur s'élève.

Au cœur d'une vision
je vois je sais
je suis sien
elle est mienne

Abandonne! Mon guide, mon pilote, mon compagnon me dit: Abandonne!
Je résiste et résiste tellement...
et l'obscurité m'entoure
jusqu'à ce que musique et chant m'arrachent
pour me lancer guéri et fragile
dans la lumière et dans la joie.

Amour enveloppe-moi
protège-moi
emmène-moi
parce que la vision
ne peut exister sans toi.

Aya
et cet univers
complet et infini
enfin
unis joyeux réunis.

(Fin de l'entracte)

Vendredi fragmenté
Vendredi brisé


face à la nuit qui s'avance
face à la promesse de l'obscurité

Vendredi suspendu
vendredi ajourné

Sans ailes
je réponds à l'appel de l'eau
vers le liquide
où toute vie commence
vers l'origine
où tout s'abandonne
où tout est enfin perdu.

Touché par une déesse
je me noie
loin de toute religion
et tout sombre
tout vibre
tout crie
entremêlé à ma passion
et tout change tout change
mais je tourne en rond.

Au moment où je commençais à couler, avec beaucoup de sérieux et une carnassière décision, un ange m'appelle, me retient, me remonte en douceur jusqu'au niveau rassurant d'un zinc dans un café joyeusement empli. Elle m'écoute et me parle, elle s'arrête quand elle pressent mes larmes et me conseille sur le choix des armes. Elle me taquine, se moque et rit et en douceur m'arrache à la douleur pour me rendre aux joies de la nuit.

Vendredi rendu à la vie
vendredi frontière entre le vrai et l'artifice
vendredi le rire
parfois moqueur parfois lugubre du vice.

En haut de la colline, perchée sur les hauteurs, je connais une armurerie, ouverte sur les bords de la nuit. Souvent accueillante. Souvent lumineuse. Souvent emplie. On y voit des habitués, des passagers, et s'y retrouvent des amis. L'ange m'enveloppe de ses sourires, de ses ailes et m'y amène, m'y ramène. L'armurier, tout joyeux, nous accueille dans sa générosité, sa foutue sagesse et sa bonne humeur. Nous buvons calmement et devisons sur les nouvelles guerres et les futures munitions.

Vendredi je fuis
je veux frôler la mort
je veux toucher la vie
Vendredi je te fuis
et ce sentiment de perte qui traque ma nuit.

(Contre-jour ou Lumière, Entracte)

Un autre vendredi
ou une toute autre nuit

Cet œil  qui m'ouvre
sur l'espace
ces lianes qui m'enveloppent
me développent
me soignent et me dansent

J'ai rêvé
j'ai chanté
j'ai su

Rien n'est jamais perdu
rien n'est détruit
Nous n'avons pas été vaincus
et cette guerre est finie

Cette guerre est finie
Je traverse calmement mon visage
et libre je sème dans l'espace vivant
les souvenirs de ton image

Cette guerre est finie
et paisible nous flottons
pour un temps pour un moment
au-dessus des eaux limpides
paisibles nous rêvons
et inventons patiemment
des îles et des ailes
des îles et des ailes

Cette guerre est finie
et je voudrais tant retrouver
les harmoniques de ton rire
qui font vibrer la nuit.

(Fin du deuxième entracte)

Vendredi en partance
avec des ailes empruntées
Icare-Aux-Ailes-D'acier
je crois que j'avais promis de chuter
mais je n'ai plus peur de faillir
je commence à oublier
Vendredi-L'Inconstance.

Au-dessus de la ville, vient me retrouver une fée. Belle et jeune et vive. Elle brille. Elle pétille. Elle tournoie. Et nous éclabousse tous de lumière. Elle m'emmène, m'entraine entre descente et montée. Nous fondons sur les masses. Parmi les foules, les jeux, les ivresses, nous parlons peu, rions beaucoup. Enfin perdu, enfin sans attente. Je parle un peu de toi et un peu d'elle. Et me moque de moi-même, allègrement. Une fée. C'est si rare parmi nous et si précieux. Elle offre sans calcul, sans savoir, de la joie et des couleurs. Elle est jeune, peut-être, fragile certainement, elle est légère quand elle veut, elle est solide. Je sais que je peux compter sur elle. Une fée. C'est important. Vitale comme lumière, elle accompagne mes pas et dissipe ma noirceur.

Devant les folies
solide et confiant
je triais mes doutes
Et j'ai vu ton signe
éclairer la nuit
j'ai respiré plus amplement.

Ma magicienne est arrivée
Ma magicienne est revenue
pour ressusciter Vendredi

Vendredi guéri
Vendredi-La-Magie.

(Fin de la première partie)


A suivre...2ème partie: Magie.


...

vendredi 25 février 2011

La doctrine des poisons: Première époque

Un recueil d'une certaine époque
Entre rêve et exploration
de la violence et des tiraillements
évidemment


http://ladoctrinedespoisons.blogspot.com/


...


jeudi 17 février 2011

Tempête

Et ici, je me nomme tempête.
Je me nomme ravage. Peut-être par complaisance. Je me nomme tempête pour contempler la ligne folle de nos destins. Pour me moquer de mon ombre qui prône l'espoir et promet la victoire. Nous le savions. Nous ne serons jamais sauvés.

Et ici. je me nomme tempête.
Je refuse de contempler le désastre. Je refuse de m'écrouler dans la déchirure. Je passe et me transforme et m'éteins, ivre de mon désir, tributaire de ma fureur.

Je ne suis rien. Rien d'autre qu'un phénomène. Rien que la rencontre des éléments. Je ne suis rien. Je ne pense à rien. Je ne ressens rien. Du moins, je prétends. J'erre et je traverse et je détruis et j'emporte et je déplace et je réinvente et je casse et je dévore et je change et je change et je change.

Je me nomme tempête.
Pour le meilleur et pour le pire. Pour l'inconditionnelle folie. Pour l'espace déchainé. Pour les passions de la nature. Pour le meilleur en nous. Pour nos penchants pour le pire.

Je me nomme tempête.
Et rien ne m'arrêtera, ni murs, ni incantations, jusqu'à ce que mon rêve s'épuise ou que les grands cyclones m'aspirent vers des mondes inconnus.

Et je te nomme tempête.
pour tout l'amour que je te porte
et tous mes rêves de désastre.

Je te nomme tempête
pour m'envoler dans ton sillage
et ne rien laisser derrière mon envol.

Je te nomme tempête
pour errer avec toi de monde en monde
et pour que rien ne nous résiste.

Ici.
Je me nomme tempête.
Apaisé au centre de ma colère, je n'ai pas d'égards pour les idoles. Qu'elles soient d'effort ou de crainte. Je n'ai pas de respect pour les frontières. Qu'elles soient de fer ou de pensée.
Je nais, grandis, explose et m'en vais, emportant dans l'éternité chants et chuchotements, emportant cris et paroles, emportant l'élan de la vie, l'ivresse du temps.

Je ne suis rien. Et je suis l'éclair, le tonnerre et le vent. Je suis la terre quand, vers le ciel, elle s'élève. Je suis le ciel quand, sur la mer, il s'étend. Je suis la nuit quand ton corps se soulève. Je suis l'aube quand, de la lumière, tu rêves.

Je me nomme tempête.
Et je suis sans forme, pour m'écouler dans tes rondeurs. Et je suis sans nom, pour épouser ta grandeur.
Je suis sans espoir, pour embrasser tes limites. Je suis sans mémoire, pour ne pas craindre ta fuite.
Je suis sans croyance, pour n'avoir d'yeux que pour toi. Je suis sans cœur, pour laisser mon amour palpiter en toi.

Je me nomme tempête.
Sans foi ni loi. Je suis insécurité. Et la peur n'est jamais de mon côté.
Pour frôler ton incandescence, je suis prêt. Je suis prêt. 
Je suis prêt à toutes, toutes, toutes les violences.

Et je nous nomme tempête.


..

vendredi 11 février 2011

...et parfois (N° 729, 731, 738, 739)

...et parfois
dans l'angle mort
le point aveugle
le trouble
abandonne la douceur
pour embrasser la panique
je tremble certainement
mais ce n'est pas moi
c'est la tempête
et cet espoir
aux crocs acérés
la morsure.

...et parfois un coeur. Un coeur, juste ça. Un battement régulier et irrégulier. Un sursaut par-ci, par-là, de rêve et d'excitation. Un coeur. Un rythme vivant. Et parfois sang. Sans blessure. Rêveur oxygéné. Le monde certainement. Étendu aux infinis. Flèche par flèche. Arc tendu. Coeur caché, haché, fendu. Un coeur. Juste ça. Parfois. 

Et parfois, un hurlement
un cri pour déchirer le temps
insupportable condition
inacceptables situations
J'ai rêvé de toi
et d'une révolution
l'impossible est impossible
qu'ils disaient
mais. oh! grand mais!
toi, moi et les machines
nous serons tous dépassés
envahis
oubliés
et parfois le soulèvement
la vague folle qui émerge
issue de la nuit du temps
parfois une révolution
une nouvelle grammaire
une nouvelle conjugaison
désir et résolution
la douleur, la mort
et la résurrection.

Et parfois, un envol. Des ailes. Des ailes déployées. Le défi, ingurgité, ravalé. Et enfin. Enfin accepté. Le défi, comme un rêve devenu réalité. Un atout enfin dévoilé. Soi-même. Enfin révélé.
Des ailes. Comme une évidence.

Et parfois, la vibration électrique. La vague sauvage. L'emportement incontrôlable.
et parfois
et parfois incontrôlés
nos désirs enfin dénudés
comme je te rêve
et je continue à rêver
enfin nos corps
parfois unis réunis retrouvés.

L'évidence d'un monde, parfaitement.
L'évidence d'un rêve, certainement.
Le mystère que tu es. Que tu restes. 
Mystère sacré de la rencontre. De la conscience partagée. De toute cette ivresse.
Cette sensibilité.
Parfois le flamboiement. Parfois le dévoilement.
et vibrer
entiers, exister.
Les corps si proches.
Vrais.

Et parfois mon ombre qui se décale, se décolle. Et qui va errer dans les mélodies d'un paysage fou. Et parfois mon ombre me quitte me laissant errer dans des pensées méconnues. Pérégrinations de mon ombre, que je ne croise jamais dans mon errance. Quand la ville m'arrache et m'inocule sa folie, mon ombre, elle, se réfracte dans les espaces et rêve de chaos, d'auteurs obscurs et de révolution. Mon ombre, elle, dans le corps de la pénombre, s'invente des perspectives, des projections. Mon ombre perce les murs, traverse les frontières et t'espionne impunément. Elle s'intègre comme un objet familier dans ton intimité.
Et parfois mon ombre qui revient, ivre et changée. Elle reprend, sans un mot, sa place. Comme si de rien n'était. Mais nous voilà tous les deux irrévocablement métamorphosés. Et avec nous la lumière, la couleur et la vérité.


...

lundi 31 janvier 2011

Sorcier: samedi

Quand vous avez inventé la mort
je tournoyais avec une adolescente
dans une cave mal-éclairée
et mon téléphone ne captait pas.

Quand vous avez inventé la mort
la terre a tremblé dans un soupir
l'océan cessa de rire
les pierres ne faisaient que chuchoter
elles ne parlaient plus.


Samedi. Je m'éveillai Gare du Nord, à l'arrivée de l'Eurostar de Londres. Je laissai venir les anglaises jusqu'à me souvenir que je n'attendais personne. Je fermai les yeux. Pour fixer mon regard sur toi. Rien que toi.
Samedi. Lendemain de fête. Samedi la veille de toutes les victoires, toutes les messes, toutes les défaites.
Quelques heures plus tard, je m'éveillai à l'attente. Les urgences de l'hôpital Lariboisière. Je vérifie. Je vérifie. Mais je n'ai rien. Même pas mal. Je me souviens de tout. Et de rien. Je suis bien. Rien d'anormal. Et rien ne me gratte. Rien ne me dérange. Je fais contraste. La douleur en négatif. C'est n'importe quoi! Quand le médecin me demande ce que j'ai, je ne sais pas quoi inventer. Je lui raconte que quelque chose tremble en moi et me remplit de joie. Que tout semble doux et vivant, en moi et hors de moi. Je lui dis que je ne suis pas inquiet. Que je n'ai mal nulle part. Sauf au moment de ces violentes érections où mon pantalon me semble très serré. "Non, je ne me suis pas drogué. Vous pensez que je devrais?" Il me fait évacuer par les vigiles en hurlant que les amoureux le font chier. "Mais moi aussi, je répondis. Moi aussi."

Samedi. Une veille pour un lendemain.
Il est encore tôt
et ça va être long.
Surtout sans toi. Mais tu es là. Je suis là. Je flotte sûrement, mais je ne dérive pas.

Ouvre les yeux, je me dis. Mais ouvre les yeux! C'est dangereux une ville les yeux fermés. Café. Clope. Calva. Café. Brioche. Clope. Café. Calva.Café. Calva. Merde! Il est encore tôt. Café. Calva. Clope. Clope. Téléphone. Téléphone. Téléphone. Calcul. Téléphone. Rendez-vous. Téléphone. Complot. Toujours tôt. Ça va être long, je te dis. Ne ferme pas les yeux. Non. Claque. Ne ferme pas les yeux. Claque. OK! OK! Ça va! Ça va! Café.

Je n'ai pas fermé les yeux, je te jure! Mais je ne sais pas où je suis. J'ai peut-être cligné des yeux. Ça va! Claque. Clope. Ça va! Pas de panique. Ne pas courir dans tous les sens. Prends le temps! Respire. Clope. OK! Le Nord c'est par où? Je ne sais pas. L'Est alors? C'est facile ça, non? Mais je n'en sais rien! Je ne vois pas le soleil. De toute façon, il bouge tout le temps, le soleil. Moi je suis fixe. Ici. J'entends une voix connue me dire :"Super! Tu es pile à l'heure." Mais...Mais je suis au bon endroit, au bon moment. C'est pas beau ça. Je devrais me faire un peu plus confiance. Au lieu de chercher le Nord, ou l'Est, ou je ne sais quoi.

Samedi: un mémorial pour les fous
Il est encore tôt
Mais là, samedi-c'est-parti
J'attache ma ceinture
rachète des clopes
Je pense à toi
je bois une bière 
les yeux grands ouverts
Samedi c'est parti
avec tendresse je pense à hier
mais là c'est samedi
et samedi c'est les conneries
Samedi-Sorcellerie.

Je n'aurais peut-être pas le temps d'écrire. Je serais, parfois, bref, succinct. Je ne raconterais pas tout. Et j'éviterais de rentrer dans les détails. Bon! Je verrais. Ce sera long. Alors je tairais certains moments. Je ferais probablement des ellipses. Ou je m'arrêterais. Je ne raconterais peut-être rien. Je verrai. Mais c'est samedi.

Samedi-Commando
toujours en petite équipe
une brigade au moment du parachutage
Après on verra
entrainés armés infiltrés
méfiance maximale
samedi à paris
que des imposteurs des allumeuses des menteurs
camouflage
énumération des objectifs
compte des cibles potentielles
et surtout surtout
être totalement présent
et complètement inconscient
mobilité efficacité solidarité:
les avantages d'une petite équipe
garder le bon niveau de sang dans le corps:
Au minimum
compléter toujours l'alcoolémie
avec les bons produits
et d'abord d'abord
rire, en rire
Rester en vie. Rester en vie.

Personnellement, je n'y crois pas. Mais il parait que tout commence quelque part. Alors un bar, avec des miroirs. Ils sont nombreux. Ils sont identiques. Je prends les paris. Si je prends quelqu'un au hasard, vous pariez combien qu'il va prétendre qu'il est artiste, graphiste, cinéaste ou producteur? Je me dis, encore une fois, que je m'abandonnerais bien une heure ou deux aux lèvres de la barmaid, encore une fois. Mais bon! C'est déjà une vieille histoire. Et puis je ne me souviens plus de son prénom. Peut-être que si! En fait non! Le sourire est professionnel, mais le regard qu'elle me lance me dessoule instantanément. Il est temps de remonter le niveau d'un cran. Il est encore tôt. Et ce sera long. Whisky. Un double. Tu sais déjà. Sans ce regard de meurtrière et sans glaçons. Bon! Intermède whisky et moquerie. Oui-c'est-qui? Qu'est-ce que tu fais dans la vie? Et ta mère? Et ta sœur? Qui fais quoi? Qui veut baiser qui? Des ragots sans consistance. Le jeu habituel de la basse cour. Peu importe, c'est samedi. Je ris encore. Mais je m'ennuie. Je traine encore. Pour une ou deux jolies filles. N'empêche, je m'ennuie. Entre deux dealers. Entre deux jeux de mots. Je mets la langue. Et en accompagnant cette rousse aux toilettes, je crois que je ferme les yeux.

Samedi-Sorcellerie
tout est possible 
et rien aussi
Je peux disparaître
réapparaitre
je peux voler
me souvenir et oublier
oh! normal!
c'est samedi

Que m'est-il arrivé? Que s'est-il passé? Je ne m'en inquiète pas. Aucune importance. Que vive l'inconscience.
Des images. Des mirages. L'inapaisable envie de toi. Et l'arrêt. Revenir à soi. Calme quand la ville dérive. Quelques heures plus tard. Quelques heures trop tard. Enfin seul. Sur une place déserte.Dans l'ombre de samedi. Un lendemain qui approche déjà. Quelque part au-delà du jour. Au-delà de la nuit. Avec et sans toi. Rêve vécu. Mon corps un chant tissé dans le corps de la nuit. Et tout se déploie, s'étale. Tout existe. Persiste un moment et s'envole. Un ciel pour le ciel. Des ailes. Seul sans être seul. La vie autour de moi, à travers moi, en moi, un fleuve lumineux. Je n'ai rien à défendre. Tout est protégé. Tout est libre. Tout est vrai. Pour un instant peut-être. Et tout est suffisant. Le regard fixé sur toi. Sur le chemin de retour. Je sais. Tu sais. Je ferme les yeux doucement. Délicieusement, mon irrépressible désir pour toi. Un désir de vie. Toi, la vie et moi.
Je ferme les yeux.



....

mardi 25 janvier 2011

Je voudrais...

Je voudrais écrire
mais pour écrire il faut se poser
et pour se poser il faut mourir
mais pour mourir il faut aimer
et pour aimer il faut trahir
pour trahir il faut rêver
mais pour rêver il faut se taire
et pour se taire il faut penser
et pour penser il faut oublier
pour oublier il faut connaitre
pour connaitre il faut regarder
et pour regarder il faut paraitre
mais pour paraitre il faut cacher
et pour cacher il faut comprendre
pour comprendre il faut parler
pour parler il faut apprendre
et pour apprendre il faut rencontrer
pour rencontrer il faut sortir
mais pour sortir il faut s'armer
et pour s'armer il faut se battre
pour se battre il faut risquer
et pour risquer il faut se perdre
pour se perdre il faut lâcher
et pour lâcher il faut choisir
mais pour choisir il faut souffrir
et pour souffrir il faut sentir
pour sentir il faut s'ouvrir
mais pour s'ouvrir il faut croire
et pour croire il faut espérer
pour espérer il faut manquer
pour manquer il faut désirer
mais pour désirer il faut conquérir
et pour conquérir il faut frapper
pour frapper il faut viser
pour viser il faut voir
et pour voir il faut se détacher
pour se détacher il faut s'extraire
et pour s'extraire il faut se différencier
pour se différencier il faut se connaître
mais pour se connaître il faut tomber
et pour tomber il faut grimper
pour grimper il faut se nourrir
pour se nourrir il faut tuer
et pour tuer il faut accepter
pour accepter il faut toucher
mais pour toucher il faut s'approcher
et pour s'approcher il faut s'exposer
et pour s'exposer il faut quitter
mais pour quitter il faut se lancer
et pour se lancer il faut se remplir
et pour se remplir il faut s'abandonner.


...

Sorcier: lundi

Quand vous avez inventé la mort
je dormais dans les bras tremblants
d'une autre ou d'une autre ou d'une
autre jeune destinée.
Quand vous avez inventé la mort
il se fit dans le chant un long
long long silence et quelques notes
ont appris à hurler.

Ha! Rhaa! Boum! Tout tremble! Tout. Évidemment. Fatalement. Inévitablement. Ailleurs, ça parle, ça s'étale, se répand et dégouline, visqueux et un peu dégoûtant. Mais ici ça tremble. Ici, ça se retient. Et tremble. Élégamment. Sans peur. Sans envie. Désespérément. 

Quelqu'un, quelque chose, un truc me rappelle qu'on est lundi. Mais lundi n'existe pas. Parce que je n'existe pas lundi. Ouf! Libéré! Je flotte ivre-mort de ton absence. Parlant à tort. Marchant de travers. Silencieux sans vergogne. Et peu m'importe. Lundi et moi, nous n'existons pas. Parce que mon cœur un samedi. Ma tête dimanche. 

Ils ont inventé la mort. Et je me suis réveillé à l'heure de la marée haute. Ma sirène est partie vaquer à ses rêves marins, à ses obligations aqueuses. Un homme, une femme, un mammifère, une chose s'est avancée dans mon soleil, sur mon sable, ma plage pour me donner des leçons sur la vie, sur agir, sur être digne, sur la couleur du ciel. Il. Elle. C'était peut-être convainquant. Mais j'ai oublié, je n'ai pas fait attention. Ça m'ennuyait probablement. Vu que je rêvais d'une femme. Je rêvais. Une femme. Et sa beauté n'appelait aucune réponse. Les éléments, même captifs, en sa présence acquéraient une éternelle vérité. Voir la pluie tomber. Voir le feu naître. Voir l'air vibrer. Ça suffisait. Ça me suffisait. J'ai probablement raté des choses importantes. Mais c'est lundi. Lundi, je n'existe pas. Ha!

J'ai erré. Et la ville calme a voyagé, métamorphosée par les rêves que je te dédiais. J'ai retrouvé par-ci par-là des camarades que j'ai oublié. J'ai charmé des filles sans intérêt. Sans conviction, j'ai refait le monde avec des gens qui m'ennuyaient. Trop tôt, Whisky-Ville a ouvert pour moi ses portes. Et ses lumières m'ont hébété. Une nordique pimpante et plastique a dit oui à mes avances. Je crois que j'ai perdu connaissance. Ça doit être ça. Sûrement. Puisque je suis revenu à moi, quelques heures plus tard, debout, seul, dans ta rue. Toute la ville m'est revenue et m'a enveloppé de son hiver gris. Et tout en moi s'élançait vers tes fenêtres. Avide de toi. Et je me retenais. Je me retenais. Et encore une fois, j'ai perdu consistance. Encore une fois. Sans consistance. Sans centre. Sans espérance. Peut-être des ailes. Peut-être du vent. Ce souffle froid quand on ouvre la porte. Me voici évadé. Un souvenir de toi. Quelques fragments de mon passé. Et une respiration, datant de quelques années, prise sans calcul sur une plage exotique. M'arrachent à tout ce que d'autres ont cru que j'étais. Détruisant en moi toute certitude et tout relent nauséabond d'une quelconque vérité. On est lundi. Sans exister. Je crois que j'ai tout oublié. Maintenant je peux être un spectre pour vous hanter. Je peux être tout ce que vous ne voudrez pas. Et sans remords je m'en moque. C'est lundi. Même pas besoin d'exister.

...

mardi 18 janvier 2011

Sans bords

D'abord, suspendons toute attente. Nous ne serons pas libérés. Laisse tomber ta robe, tes masques et tes vérités. Nous ne serons jamais sauvés. D'abord, un regard aveugle. Un regard qui est plus qu'un regard et qui, pour un moment, abolit le monde et la vision du monde. Te voir. Te voir apparaître, pour que tout s'éclipse et renaisse paré d'une nouvelle acuité. Comme par accident, comme par hasard, se frôler. Se toucher. Comme par accident. Et rien. Rien. Rien ne suffit. Cette soif inextinguible. Cette faim insatiable. Des promesses animales. Corps libres incarnés dans l'esprit vif des flammes. Esprits possédés par l'ivresse de la chair. Ce tremblement. Une folie cannibale. Nous voilà carnivores. Nous voilà fauves, acharnés sur nos peaux.Au bûcher des baisers nous cherchons la parole. Violence et douceur et violence et douceur. S'échappent de nous la promesse, la justesse des mots et l'inconscience. Ici, ma peau finit et commence ma conquête, comme une terre, un trésor, un ailleurs que je désire, que je convoite.

Montre moi
montre toi
montre-moi la bête en toi
et mords-moi là et là
là où je te dirais
là où je voudrais
là où je n'ai jamais rêvé
être mordu par toi

Et tremble pour moi
contre moi
avec moi
tremble dans la joie
dans la perte
et dans la fureur
que tout vacille
et disparaisse
me laissant
tout à ma chute
en toi
te laissant
toute à ton envol
avec moi
en douceur
et violemment
violemment

violemment rêve
rêve de qui tu veux comme tu veux si tu veux
fuis aussi loin que tu peux
tu n'échapperas pas à cette étreinte
parce que tu ne veux pas t'échapper
ton corps est ici et dans un moment j'attraperai ton esprit
et tu resteras là entière dans mes bras
avant que la transe ne t'emmène
et ne te jette sur les rivages immaculés de l'être.

Ici. Ici, le monde commence et s'achève. Ne cherche pas ton centre en toi. Tu ne le trouveras pas. Ici, nous sommes sans bords. Ici, nous sommes cernés. Ici, tout commence et tout est achevé.

viens
viens maintenant
viens ma belle mon aimée
ma fin ma destinée
Quelque chose ici est ébranlé
Quelque chose a cessé de résister
des arbres des ailes
de l'eau des chances
du feu des pieds
un cœur  du rêve
des caresses un rocher
nous voilà encore perdus
pour nous retrouver

il n'y a pas d'issue
je te l'avais dit
il n'y aura pas de fuite
ni de refuge
pas de sauvetage in-extremis
pas de réveil instantané
tu rêves je te rêve
et nous dérivons
nous dérivons

Tremblants dans ce corps à corps
Tremblants dans l'ivresse de nos sens accordés
ici ici ici
nait un monde
ou se perpétue
à travers nous
et nous sommes cernés
et sans bords
imparfaitement dissous
mais constants
tu m'as tu m'as tu m'as
manqué
et nous revoilà entiers
Fondus Enchainés

Au pied du mur
Au pied du lit
sont abandonnés pêle-mêle
un drapeau une roue de secours
un préservatif usagé un masque un pistolet à eau
des ailes de papillon une armure 200 grammes de plomb
un soldat en acier un jeu de cartes avec un as en moins
un nez de clown des chaussettes dépareillées un cheval
caparaçonné un alligator édenté un cuirassé l'avant dernière vérité
une part de ma violence un pan de ta science

et nous voilà réunis
cernés et sans bords

Ton corps un pays
qui nourrit ma révolte
une terre où je m'enracine
pour pouvoir m'élever
un ciel où mes ailes
ont accepté de se déployer.

Emporte-moi! Déchire-moi! Déploie-moi!
Que je frôle tes horizons!
Parle, je ne te croirais pas
Hurle, je douterais de toi
Griffe ma peau jusqu'au sang
Laisse-moi tirer sur tes cheveux
t'étrangler te secouer
Sombre dans ton abandon
et emmène moi jusqu'au soleil brisé
de mon extinction.

Et tais-toi. Je t'en prie, tais-toi!


..

mardi 11 janvier 2011

Un beau pays.

Un beau pays, n'est-ce pas, Roger? Dans ton hôtel construit sur des cadavres, tu étais bien, non? Tous les jours on changeait l'eau de ta piscine, alors que quelques kilomètres plus loin, des familles ne pouvaient arroser leurs champs et leurs vergers. C'est bien de pouvoir se payer pour une poignée de dollars ou d'euros de jolies adolescentes et de fougueux adolescents. Mais tu ne pouvais percevoir les larmes qu'ils retenaient. Oh! Un beau pays, Roger! Toi, qui chez toi, est esclave, ici, tu es traité comme un roi. Pauvre de toi, Roger! Tu ne veux peut-être pas savoir. Comme je te comprends. Nous avons tous besoin de vacances. Même la colère, même la conscience. Mais ce ne sera pas maintenant. Peut-être un jour, mais pas maintenant.


Ce peuple a accueilli tout le monde, accepté tout le monde. Et contre tous a lutté calmement. Au début, des dieux anciens ont foulé cette terre, puis des dieux nouveaux, et des monstres comme tu n'en a pas connu. Vinrent des bêtes, des hommes comme des bêtes, puis des hommes-bêtes, et des hommes ensuite qui réinventèrent le monde en le découvrant. Tous sont passés, tous sont partis. Et la terre est restée et a gardé leur mémoire. Vinrent des hommes de partout. Naquit Carthage du rêve des exilés et elle brûla pour rester dans les espoirs des opprimés. Puis se nourrirent les romains du sol généreux avant que ne viennent les vandales pour tout égaliser. Cinquante tribus arabes sont venues fonder des mythes, des avenirs et une civilisation. Et tout tomba sous le joug des héritiers ottomans. Débarquèrent alors les colons et nous apprîmes le français, l'italien et l'allemand. Tous furent accueilli avec l'hospitalité légendaire de cette terre. Tous sont passé en laissant du sang ou du rêve ou un arbre ou une chanson. Cette terre toujours vendue, toujours marchandée, volée, arrachée. Et toujours vivante, toujours intacte, toujours retrouvée. Cette terre dont le chant ancien vibre immaculé dans la musique de ses fêtes et dans le rire de ses enfants. Cette terre qui parle dans les corps de ses hommes une langue douce et solide.


Cette terre aujourd'hui veut hurler. Elle veut cracher sa colère au visage de ceux qui veulent la bafouer, ceux qui prennent sans rien donner. Ceux qui vendent des arbres qui sont à elle sans rien lui demander. Cette terre a beaucoup supporté et a nourri sans rechigner toute sorte d'hommes à son sein. Mais cette nouvelle espèce de charognards, cette engeance de parasites, elle n'en veut pas. Elle a beaucoup consenti au joug pensant qu'un jour les chaines s'allègeront. Mais aujourd'hui elle veut nourrir ses seuls enfants. Que son eau coule douce pour ses enfants. Que son sol soit fertile pour ses enfants. Que ses vents soufflent pour le bonheur de ses enfants. Que sa beauté apaise les douleurs de ses enfants. Que sa richesse soit pour les fêtes de ses enfants. Que l'ombre de ses arbres soit pour le repos de ses enfants. Et elle pleure quand ses enfants meurent sous les balles d'autres de ses enfants, alors que l'oppresseur se vautre dans la soie qu'elle a produit, entouré de tout ce qu'il a volé.


Tous sont passés. Tyrans ou éclairés. Tous se sont pavanés ou marché en toute humilité. Mais tous sont passés. Et la terre est là. Elle reste pour une éternité. Tout revient en elle et elle garde une mémoire qui ne peut être niée. Carthage aussi a brûlé et les œuvres de Rome se sont éteintes. Les blessures qu'a infligé le colon vont un jour cicatriser. Qui sont-ils ceux-là qui croient régner pour l'éternité? Qui sont-ils ceux-là qui pensent que la terre va leur accorder son infinie miséricorde et l'impunité? Ils vont tomber. La terre l'avait dit. Et maintenant elle va le hurler. Avec le souffle de ses enfants elle est solidaire. Et elle portera leur rêve contre ces fous sanguinaires, contre ces inconscients. En larmes, en colère, elle promet qu'ils vont tomber.


...

Ce soir

Laisse-moi m'en aller ce soir
je vais aller boire
et écrire sur le bord d'un zinc
un énième chant à ton absence
je finirais probablement
dans le lit d'une autre
et sur son corps je dessinerais
des poèmes pour toi.

Laisse-moi me perdre ce soir
je vais aller marcher
et errer dans mes propres traces
en quête d'un chemin
sans ton ombre
je finirais probablement ivre
de l'odeur d'une autre
et je chanterai doucement
mon désir pour toi.

Laisse-moi rentrer ce soir
je m'en vais combattre
et tuer les oppresseurs de mon peuple
tout en criant ton nom
je finirai certainement blessé
derrière une barricade
et si je meurs mon esprit reviendra
te hanter et veiller sur ton sommeil.

Laisse-moi m'écrouler ce soir
sur le pas de ta porte
saigner toutes les larmes
que j'ai promis
et tomber dans l'oubli
de tous ces corps qui me furent offerts
pour que je rêve seulement de toi.

Laisse-moi me détruire ce soir
je vais aller me droguer
et éteindre dans les lieux mal-famés
ta pureté et la mienne
dans l'orgie maladive
des corps exilés
j'éjaculerai sur le visage d'une fille
qui verrait un autre que moi
et je ne verrai que toi.

Laisse-moi me noyer ce soir
dans la foule nerveuse de cette ville
qui fut un jour mienne
mais la foule ne sera jamais un peuple
et un peuple est ce qui toujours nous manquera
à moi fou couronné et à toi reine de mon cœur.

Laisse-moi m'envoler ce soir
dans les labyrinthes de ton désir
rêver l'adolescente que tu fut
frôler la femme que tu es
envelopper ta peau de ma nuit
et caresser ton aube de mes ailes
arracher violemment ton âme
te tenir te tenir captive
contre le jour
contre la lumière.

Laisse-moi mourir ce soir
mourir en toi
dans ta bouche entre tes seins
et m'abandonner calmement
à ma perte
et à ta gloire
caresse doucement mes cheveux
et laisse-moi disparaître ce soir
me dissoudre pour toujours
dans l'obsession que je te porte
laisse-moi sombrer dans tes abysses
et m'éteindre sans résistance
dans ta nuit pleine de mystères
Laisse-moi t'aimer ce soir.
Laisse-moi
t'aimer ce soir.



.

lundi 10 janvier 2011

Perdus pour toute éternité

Un autre jour, une autre vie, un autre monde. La fureur retenue de ce qui ne sera pas. Ces gestes suspendus, ces mots ravalés si près des lèvres. Et même si tout se répète et recommence, phénix renaissant de mes cendres, pour venir brûler ce cœur qui meurt toujours et continuellement repousse, oublieux de toutes mes blessures et de toutes mes peines, niant les larmes que j'ai versées et que cet océan sauvage n'a cessé d'engloutir, de noyer, de perdre dans le labyrinthe de son éternité.
Toi, comme rêve. Toi, mon oubli, mon horizon. Quelques instants arrachés aux lignes dures, aux destins clos. Quelques instants, pour que rien ne soit pareil, ni avant, ni après. Pour que tout brille, feu et brûlure et chaleur et refuge dans le regard menaçant des tempêtes que nous sommes.

Ne crains rien
ma rêvée
Ici tout remue
en toute solidité
Pleurer peut-être, et alors?
Oui, pleurer.
Et voir à travers les larmes
ce qui est
et ce qui a toujours été

Ne crains rien
bienveillante hallucinée
tes ailes déployées
m'ont rappelé
la rumeur du vent
mon nom caché
et deux ou trois secrets
Pleurer peut-être, et alors?
Oui et chanter
et entendre dans nos voix
une indestructible beauté.

Ne crains rien 
mon adorée

Un autre temps, une autre rue, une autre ville. Je serais peut-être à l'heure. Et j'attendrai sous la pluie ivre de décembre, ta silhouette et la lumière dansant dans ton regard. Mon cœur sursautera à ta vue et ton sourire arrachera de mon attente le temps, la rue et la ville pour me plonger dans une joie sans souvenir...Mais j'oublie. Heure après heure, nuit après nuit, j'oublie. Et dans mon ivresse se mélangent les bruits et les couleurs, les plaisirs et les douleurs, avant que tout ne s'éteigne, silence et obscurité.

Mais qu'avons nous à craindre du silence? Toi et moi sommes musique.
Qu'avons nous à craindre de l'obscurité? Nous sommes lumière.
...
Je t'ai vue
ne mens pas, je t'ai vue
je ne mens pas je t'ai vue
peut-être un instant
un instant comme un éclair
je t'ai vue
sans masques 
sans armes
sans apparat
et j'étais sans défense
brûlant sur le bûcher
Hérétique
je me savais condamné
et pour rien au monde
je ne voulais être sauvé.

Alors, alors...
alors laisse-moi, lâche-moi! 
J'ai droit à un dernier repas, 
à un dernier baiser, 
à un dernier mensonge, 
à une dernière violence.
Aux condamnés on pardonne
on pardonne la folie
on pardonne l'arrogance
...

Je me réveillerai. Je me réveillerai tombant du nid ravagé de ton absence. Je me réveillerai chute et chant pour la ruine. Je me réveillerai ami du vertige, embrassant l'abîme. Je me réveillerai étincelle dans la trahison de l'air. Contre moi crépitera l'empreinte de ta peau. La chaleur de tes lèvres hantera mon souffle. Mon cœur se brisera, déchirera ma chair, retiendra mon esprit dans sa douleur. Me dispersera, me cassera mille fois et mille-et-une fois me construira et se déploiera divisé et en moi et au-delà de moi. Mon cœur se déploiera ailes flambantes, dessinées avec tes couleurs, contre le ciel obsédant de nos espoirs et de nos annihilations. Je me réveillerai. Je volerai. Je saurais une part de ton secret. Et un jour je reviendrai me poser à ta fenêtre, contempler ta nudité, voler un de tes gestes cachés. Je reviendrai. Je volerai. Je rêverai. Si haut. Si haut. Les dieux me foudroieront peut-être. Mais s'ils m'acceptent dans leur olympe, je créerai un autre jour, une autre vie, un autre monde. Rien que pour toi et moi et le retour sans fin de ces instants qui nous unissent. Je créerai ce même moment encore et encore et autrement. Nous y serons seuls et intacts. Nous y serons libres et vrais. Nous serons flammes et douceur et désir et violence et délire. Nous serons chant et danse et présence et folie et ivresse. Nous serons toi et moi tels que nous sommes, voyants aveugles enlacés éthérés amants unis disparus divinisés perdus perdus pour toute éternité.