vendredi 24 décembre 2010

t'écrire

te vêtir
pour mieux te découvrir
et te couvrir d'écrire
te dessiner comme
une peau
comme une surface
    te tatouer
    t'écorcher
te déployer
comme une femme
comme un espace
    t'écrire
jeter des mots contre
ton image
t'écrire
pour ne pas avoir à te
chercher
pour ne pas avoir à te
déchirer
pour ne pas avoir à me
disperser

contre ton image
t'écrire
comme on peint
comme on touche

ton image
qui s'est imprimée
sur ma rétine
et pourtant
pourtant ma rétine
en a connu
des images
et comme moi
elle a connu
des sourires
elle a connu
des visages
et ma rétine
n'oublie rien

mais moi...
moi?
j'efface.

et me restent les invocations
les pensées magiques
les rêves prémonitoires

me restent les essences
des moments infinis
me reste la puissance
d'un temps gorgé de vie.

pendant un instant
pendant une heure
pendant une vibration

j'ai vu

pas de place pour la beauté
parce qu'il n'y a que la beauté
ne reste que la beauté.

    demain
    je t'oublierai
    demain
    je te perdrai
comme tous mes autres corps
comme tous mes autres rêves
    promis!
    demain je t'oublierai.

et le temps s'écoulera
glissera
retrouvant ses habitudes
la ville pourra alors s'ébranler, encore,
usant ses rouages
dans un mouvement
qui n'est pas le nôtre.

...

jeudi 16 décembre 2010

Daimôn 6 - Eye in the sky

Gilgamesh, Thésée, Antar et Moctezuma, sur le boulevard.

Thésée: J'ai l'impression qu'on nous observe.

Antar: Comment ça? On est suivi? Par qui? Qui?

Gil: Calme-toi! Moi aussi, j'ai cette impression depuis un moment.

Moc: Mmmhh...C'est un peu bizarre...

Antar: L'homme, là-bas. L'air un peu négligé. Il a l'air déguisé. Je suis persuadé de l'avoir déjà vu.

Thésée: Pas si sûr. Ils se ressemblent tellement. Moi je dirais que c'est la femme qui est là-bas. Jolie mais pas trop. Habillée simplement. Elle fait semblant de ne pas nous voir.

Antar: Allez Thésée! On parie. Je te sens chaud là. On parie combien?

Gil: Un peu de sérieux. Ce serait inquiétant de se faire surveiller déjà. C'est à cause de toi Moc. A faire le mariole. Tu te croyais où?

Moc: Je sens des yeux. Derrière des yeux. Je sens la machine, peut-être un chaman quelque part. Ne levez pas les yeux tout de suite mais il y a un truc bizarre accroché là-haut. Ça ressemble à un œil, un peu. Et j'ai l'impression que ça vient de là!

Antar: Tu crois qu'on peut le tuer? Il est où exactement? Dis-moi! Je ne lui laisserai pas le temps de réagir.

Gil: Je ne crois pas que c'est une bonne idée. Ça va encore attirer l'attention.

Thésée: On peut essayer de tromper sa vigilance. Faire diversion. Se disperser.

Moc: Je ne crois pas que ça marcherait. Je crois qu'il n'est pas tout seul. Et ils communiquent entre eux, je crois. Je ne sais pas comment. Je pourrais essayer de lui lancer un sort. mais c'est risqué. je ne sais pas exactement qui il est, ni avec qui il travaille.

Gil: Mais pourquoi est-ce qu'il nous surveille, nous?

Thésée: Il y a peut-être des fuites dans l'Organisation?

Antar: Quelle organisation?

Thésée: Je ne sais pas, moi! Demande à Gil!

Antar: Gil? On travaille pour une organisation? Tu es au courant, Moc, pour cette organisation?

Moc: Pffff. Je ne travaille pour personne, moi!

Gil: Arrêtez! Il n'y a aucune organisation. On est en freelance. Mais c'est possible qu'on s'est fait des ennemis. Que chacun se pose la question! Qu'est ce que vous avez fait qui ait pu offenser quelqu'un? Même peut-être sans que ce soit flagrant?

Antar: Si je comprends bien, tu veux qu'on fasse notre auto-critique?

Thésée: Une confession, c'est ça l'idée?

Moc: Mieux! Une psychanalyse.

Antar: N'importe quoi, Gil!

Thésée: Moi, je pense que notre simple présence est un problème. On peut chercher longtemps une raison.

Moc: Je me demande si c'est nous qu'on surveille?

Gil: Je sens qu'on me surveille!

Moc: Je veux dire qu'ils surveillent, mais pas nous en particulier.

Antar: Tu veux dire qu'ils surveillent pour surveiller?

Thésée: Ou qu'ils surveillent tout le monde?

Gil: Mais c'est ridicule de surveiller pour surveiller.

Moc: C'est ridicule, oui, mais c'est possible.

Antar: On peut être surveillé comme ça, pour rien? Même si on n'a rien fait?

Gil: C'est fou!

Thésée: Il y a de l'idée quand même. Ça doit avoir une certaine utilité.


Antar: Ça fait penser au chien de berger qui surveille les moutons!


Gil: Tu es bien un bédouin, toi! Mais l'image est valable. Pas mieux.

Thésée: Comment on fait, alors, s'ils surveillent tout le monde tout le temps pour surveiller tout le monde tout le temps?

Moc: Tu crois qu'ils savent que nous savons?


Antar: Et si nous faisions comme si nous ne savions pas?


Gil: Ils sauront peut-être que nous faisons comme si nous ne savions pas.


Thésée: S'ils savent que nous savons qu'ils savent que nous savons, qu'est-ce que nous faisons?

Gil: Nous ferons comme si nous étions n'importe qui.


Antar: Hein? C'est à dire?


Moc: Je ne vois pas du tout ce que tu veux dire.

Thésée: On va boire un verre déjà.

Antar: Ça c'est de la stratégie!

Moc: Je pourrais manger du cactus?

Gil, Thésée, Antar: NON. Tu ne peux pas boire comme tout le monde?


[A suivre..]

Daimôn 5 - Sorcier

Moctezuma

Je crois que je commence à voir. A voir ce qui se passe par ici. A comprendre pourquoi nous sommes exterminés. Pour nous le sacrifice était resté rudimentaire, d'homme à homme, si j'ose dire. Artisanal! Avec un certain consentement. Pas toujours, c'est vrai. C'est vrai. Mais voilà, tout le monde est au courant. Ici, l'échelle est gigantesque. C'est génial! Je n'y aurais jamais pensé. Quelle bénédiction, la machinerie. Le rêve! Le problème, c'est que les sacrifiés ne sont pas au courant. Ni avant, ni après, ni même pendant qu'ils sont sacrifiés. Ils ne pensent même pas avoir perdu la vie. Ils continuent à s'agiter, comme si de rien n'était. C'est à la fois tout le génie et l'horreur de la chose. Alors nous, avec nos fêtes, nos rituels, nous étions des petits joueurs, des rigolos. Ce genre de vision rend fou. C'est pour cela que j'ai communié exagérément avec le cactus aujourd'hui. C'était trop. Cette ville, c'est le rêve fou du plus implacable des sorciers. Alors quand ces petits jeunes, plutôt sympathiques dans leur sauvagerie innocente, m'ont menacé... Ils voulaient l'or que j'avais. S'ils avaient demandé gentiment, je leur aurais donné. Mais me menacer, moi... Je n'ai pas pu m'empêcher. Je les ai dévorés. Non, non, je ne les ai pas mangé. Je suis au régime en ce moment, vous savez, mon cholestérol... Non, j'ai dévoré une part de leur esprit. Ils ont aimé le cactus, je crois. Ils ont appelé des jeunes filles et je leur ai préparé mon petit cocktail maison. On s'était bien amusé. Je suis venu vous rejoindre pensant continuer la fête. Mais en arrivant la vision était absolument prenante. Des formes et des couleurs que je n'avais jamais vu auparavant. A la fois, débauche et violence, vie et mort. Des méthodes nouvelles de dévoration. Ça m'a donné des idées, évidemment. J'ai eu du mal à me retenir. Oui, vous m'avez retenu. Écoutez! Je ne savais pas moi! Je n'ai pas l'habitude. C'est bien ici. Nous devrions nous amuser un peu plus. Ne vous attendez pas à retrouver vos bons vieux monstres habituels, des monstres purs et entiers, monstres jusqu'au bout des griffes, avec des gueules pas possibles suintant l'horreur à dix kilomètres. Tout a changé. Il y aura des surprises, je vous préviens. Rien n'est clair pour moi. tout est mélangé. Il me faut du temps pour tout décoder. Il y a beaucoup à voir et beaucoup à dévorer. Je parle d'un point de vue quantitatif. Pour la qualité, je ne peux pas encore me prononcer. Il faut goûter.

[A suivre...]

Ludivine

Quand j'ai rencontré Ludivine, j'étais jeune et je n'étais pas d'ici. Je l'ai embrassée sur un parking dans une ville de banlieue. Je me souviens encore de cette fille fragile, si belle dans son manteau rouge, tremblante dans la nuit. Je me souviens de ses lèvres douces et brûlantes et de sa solitude insondable. Des années plus tard, dans un appartement du 22 rue de la Folie Méricourt, au cours d'une soirée, j'ai eu une étrange vision et je me suis rappelé d'elle. Au détour d'une conversation, j'ai découvert que j'étais entouré par ses amis que je n'avais pas connu à l'époque. J'ai eu alors de ses nouvelles. Et puis, j'ai oublié. Le temps est passé. J'ai perdu de vue beaucoup de personnes pendant ces années. Parfois cinq ans semblent comme des millénaires à l'aune du souvenir. Tant de choses se sont passées. Et certaines s'effacent ou sont enfouies, pour que le temps continue de s'écouler et se nourrir de nos expériences, de nos sentiments. Mais rien n'est jamais effacé. Au moment voulu, tout revient. Une nuit, en manque, attendant le dealer en compagnie d'un ami, d'une jeune fille qui s'appelait Sarah, belle et torturée et de quelques personnages qu'on ne croise jamais dans la vie réelle, des images de Ludivine sont venues me hanter. Je ne sais pas si c'est à cause de Sarah ou de l'inquiétude que je ressentais. Même si ressentir est une chose incongrue quand tu es en état de manque, dans le froid, troublé par l'incertitude d'avoir ta drogue, te soigner et planer dans le vide infini. Quelques minutes avant, mon ami, regardant les visages tremblants des individus improbables qui nous entouraient, en sueur, grelottants et silencieux, m'avait dit: "Maintenant, ici, nous sommes dans le fond le plus obscur de tous les bas-fonds de la société." C'était comme une prise de conscience. Il y avait une limite au-delà de laquelle nous ne pouvions pas nous permettre d'aller. Mais pour Sarah, je n'ai rien pu faire. Jour après jour, j'ai vu la lumière la quitter et sa beauté se faner. Comme d'autres, je l'ai perdue de vue et je n'ai jamais cherché à connaître la suite de son histoire.
Quand j'avais rencontré Ludivine, je savais à peine ce qu'était un joint et je ne connaissais rien à la drogue. Mais sa présence était comme un signe sur mon chemin. J'avais appris donc, bien plus tard, qu'elle est morte peu de temps après notre rencontre, dans des circonstances obscures, d'une overdose d'héroïne.

mercredi 15 décembre 2010

Oh! Pardon!

_ Pardon! Je ne pensais pas, je ne voulais pas, je ne croyais pas! Que les poignards dans le dos ça te ferait si mal! Qu'une balle dans le cœur ça te ferait souffrir! Oh! Pardon! Je ne pensais pas que mettre le feu à ta peau pouvais te bruler. Pardon! Je ne savais pas. Je ne sais pas ce qui s'est passé. J'ai trop bu, j'ai trop fumé. C'est la drogue. Ce n'est pas moi. Je n'avais pas vu que tu étais là. Je ne t'avais pas vu, ce n'est pas exprès que je t'ai marché dessus. Je ne pensais pas que c'était toi. J'ai mal regardé. Mal vu. Je n'ai pas pensé. Pardon! Pardon! Allez! N'en parlons plus. Ce n'est pas important. N'y pensons plus. Je n'y pense plus, déjà. Allez! Ramasse tes tripes, là, par terre. C'est un peu indécent. Et nettoie tout ce sang, s'il te plait, ça fait un peu sale, enfin! Tu es dégueulasse. Tu l'as bien mérité. Vu comment tu es, à ressentir des choses. Tu sais, c'est ridicule, quand même! Allez! Relève-toi, sèche tes larmes. Prends ton cœur, là, sous mes pieds!

_ Ok! Ok! Un, zéro! Tu gagnes, j'avoue! Je me suis fait avoir! C'est une belle escroquerie. Bien joué. Tu as gagné! Là, tu as gagné. Ça manquait de classe, c'est certain, mais ça compte quand même. C'est de ma faute.Me laisser piéger comme ça. J'ai oublié toutes les règles de base. Ne jamais tourner le dos. Ne jamais faire confiance. Ne jamais mettre son cœur sur une table qu'on n'a pas fabriqué soi-même. Ne jamais se montrer gentil avec ceux qui prétendant t'aimer. Ne jamais rêver en compagnie de personnes qui pensent te connaitre. Je sais ce qu'on peut me rétorquer. Je ne suis pas assez comme ci. Je suis trop comme ça. au final, je suis trop délicat pour votre monde grossier. Trop noble pour vos basses manœuvres, vos gestes mesquins. Tout le sang a coulé, maintenant. Une belle saignée, pour purifier le corps, alléger les sens. Tous les sentiments se sont écoulés, ne reste que du métal fondu dans une froide colère. Merci d'avoir réveillé cette monstrueuse machine. Encore. Merci. Maintenant, peu importe! Une seule logique: celle du pire. Tiens-toi loin! Loin de moi!

_ Silence! Taisez-vous! C'est fatiguant à la fin. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre? Ça se touche, ça se blesse puis ça pleure, ça s'auto-flagelle et ça se fabrique des discours ennuyeux sur la vie, sur les hommes, sur l'amour et sur le monde! Quelle tristesse! Et en plus ça dérange mon sommeil. Je crois que je vais finir par vous expulser tous d'ici et me trouver des compagnons plus drôles. Plus d'histoires de cœur, de sang, de colère et de métal. Plus jamais ces bêtises. Marre de cette lourdeur, cette sentimentalité poisseuse et tous ces affects vaseux. Que ça danse, d'accord, que ça vibre, que ça résonne, lumière ou obscurité, jour ou nuit, mais pas ça! Surtout quand ça gâche ma sieste pour du gris fade et des faux semblants. Un peu de sauvagerie, merde! Finis la sainteté, les gestes corrects et limités. Un peu d'ampleur et un peu plus de légèreté, de la fureur, de l'ivresse et du cran. Et du silence. S'il faut vous entretuer, faites le au moins avec panache. De la cruauté, oui! Mais de la méchanceté et des reproches, non! De la musique, de la vraie ou bien du silence. Ce n'est pas la télé, ici. Vos gueules!

_ C'est bon là? Ils sont partis? Il faut démonter tous ces miroirs. Changer les meubles, repeindre les murs. La porte reste ouverte mais j'exige le calme. Qu'on me foute la paix! Je suis chez moi, non? Je veux pouvoir contempler le ciel sans interruptions. Je veux survoler l'abîme sans inquiétudes. Faites-vous oublier. Merci. Je veux rire sans avoir à me retenir. Mes larmes ne vous concernent pas. Je n'ai pas envie de vous entendre. Ni de vous parler. Finissons-en. Là c'est l'heure. Du mur entre la bibliothèque et le canapé sort une horde de spectres dansants et hilares, à leur suite mon ami Sam avec son éternel tambourin. C'est une sorte de voyageur qui ne respecte aucune frontière, ni temps, ni espace, ni vie, ni mort, ni murs ni rien. Il vient, s'en va, toujours cruel, toujours de bonne humeur. Ludivine, ma campagne extraterrestre, se matérialise doucement sur le canapé, lascive, menteuse, obsédée et moqueuse. Je l'adore! Des musiciens zoomorphes entrent par la fenêtre et s'égaillent dans le salon dans un capharnaüm de fausses notes et un reste de discussion incompréhensible commencée depuis longtemps. Que la fête commence! Ce n'est pas avec les humains qu'on peut s'amuser!

 

mardi 14 décembre 2010

Et un temps pour la fureur.

Aiguise tes dents. Ne coupe pas tes ongles. Ne te rase pas. Ne t'épile pas. Laisse grandir ta faim. Ne calme pas ta douleur. Ne cherche pas à rassurer. A te rassurer. Jette toutes tes drogues, tous tes médicaments. Repose-toi mais ne dors pas. Rêve mais ne dérive pas. Efface tes signes distinctifs, tes tatouages, tes empreintes. Affûte ton regard et tes réflexes. Retrouve la cruauté de tes gestes. Nettoie tes armes. Invoque, si tu veux, les dieux anciens, les mânes de tes ancêtres. Ressuscite en toi-même un sang impitoyable, la soif de carnage et tout ce qui dort en toi comme folie et comme rage.
Si tu commences à entendre des voix, ne t'inquiète pas. Ce ne sont que toi et toi et l'autre et l'animal et les pierres qui se réveillent. Si tu vois des lumières clignoter, ne cherche pas à leur trouver un sens, ce n'est que la ville qui te tente. Et quand un voile tombera devant tes yeux, quand les couleurs cesseront d'être tout à fait naturelles, ne panique pas. Tu seras juste en train de perdre connaissance.

Rêvé calmement
rêvé des chevaux qui traversent la plaine
rêvé des corps entrelacés
rêvé un chant ailé qui s'envole
une danse enivrée
rêvé calmement.

Rêvé furieusement
rêvé ton amour qui déchire mon âme
rêvé un réveil dans tes bras
rêvé une cavalcade
une fuite dans l'obscurité
un feu de bois
rêvé furieusement.

Voilà mon cœur. Je te le confie. Prends-le. Garde-le. Cache-le. Il faut que je m'en aille. Il faut. Je reviendrais, peut-être, vers toi. Prends soin de ce cœur, je reviendrai, peut-être le chercher. J'aurais aimé rester près de toi. Collé à ta peau, solidaire de ton souffle, sans bouger, sans remuer. Présent à ton amour. Présent à mon oubli. Mais les chiens de feu ont retrouvé ma trace et le monstrueux rapace qui plane sur ma destinée s'apprête à planter ses serres dans cette chair usée. Je m'en vais à regret. Je m'en vais, sans choix, emporté. Mais une part de moi reste. Et ce que nous avons partagé ne sera pas perdu, ne sera pas effacé.

Une vision où tu hurles puis aboies, ton visage déformé, tordu par la rage. Je ne veux plus jouer. Tu as compris? Arrête! Des clans, des hordes, des groupes épars. Ah! Ce bon vieil instinct grégaire! Le meurtre fondateur puis le bouc émissaire. Et un sacrifice rituel, de temps en temps, pour évoquer ces bons vieux souvenirs. Oh! Tout va bien, n'est-ce pas? Nous sommes si bien tous ensemble! Répétez après moi! Tenons-nous les mains! Serrons-nous un peu plus les uns contre les autres. C'est si agréable de se sentir unis, compris. Et en plus _quelle chance nous avons!_ nous avons un ennemi. Approchons-nous encore les uns des autres. Vous l'entendez hurler dehors, n'est-ce pas? Mais tant que nous sommes ensemble, il ne peut rien contre nous. Nous l'aurons un jour! Quand nous serons suffisamment rassurés, quand lui sera vieux et décharné, nous sortirons d'ici tous ensemble en rangs serrés, nous serons forts et soudés. Vous l'entendez? Vous l'entendez? Un jour nous sortirons d'ici pour le convertir ou le manger. Il ne perd rien pour attendre. Mais nous avons le temps. Restons serrés. Restons groupés.

Certains soirs, les nuages se dispersent et vont vaquer à leurs occupations. Pour me permettre de voir une étoile. Mon étoile. Une étoile c'est beau, mystérieux et terrible. Quand on est trop près, la chaleur qu'elle émet consume tout et il est impossible de contempler sa lumière et d'apprécier sa beauté. Trop loin,  on la distingue mal, on ne connait rien à ses humeurs, on reste là à rêver, dans le froid de sa distance. Pour aimer une étoile, il faut trouver la bonne orbite. La bonne trajectoire.

Je ne peux m'empêcher de penser à tes phrases vibrantes, à ta fraîcheur inquiète, à tes joies violentes. Je prétends ne rien savoir, quand je sais trop exactement, ce que ces liens me font, ce que cette douleur amène. Et je prétends ne rien savoir. J'ai désespéré d'oublier tant de douceur et cet appel d'éternité. Cet instant qui nous happe vers des rêves sans vanités. Je vois la rivière qui s'écoule. Une part de moi s'y noie. Une part de moi est emportée. Mais de ce flux je vais renaitre, contre les rives ou contre les rochers. La mer est le destin des ruisseaux, et peut-être l'océan agité. J'aurais tellement voulu me taire, me faire oublier. Mais je suis là. Avec ou sans choix. Tel que je suis et tel que je parais. Malheur à moi et quelle joie de ne pas oublier.  

 

jeudi 9 décembre 2010

Fragile 2

La réalité du monde semble flotter. J'ai l'impression que toute la ville est en carton-pâte et que tout s'effondrera si j'éternue. Les gens sont des hologrammes qui ne sont là que par la magie des effets spéciaux. J'ouvre les yeux et ne vois rien. Les fils de la destinée sont alors si fragiles et je ne suis qu'une marionnette abandonnée dans un castelet désuet. Et je m'agite, croyant conjurer l'accident, l'absence du marionnettiste ou la dissolution du décor. Me rattrapent alors la logique et l'aiguillon de la panique. S'il n'y avait, s'il n'y avait cette peur métaphysique, je me croirais libre, toujours fragile mais joyeux d'être libre. Et cela s'obscurcit pour devenir une scène sans lumière, autant dire une caverne, autant dire un trou. Témoin de la disparition du monde, il ne me reste qu'à disparaitre à mon tour. Me voilà revenu au début des hommes, seul, sans personne contre qui me blottir en grelottant, craintif dans la nuit menaçante, terrifié par un dehors incompréhensible, nécessairement hostile, nécessairement malveillant. Humain, fragile, secoué par la naissance, à jamais prématuré, toujours incomplet. C'est surprenant, mais je suis encore vivant. Malgré la peur, malgré l'obscurité, malgré l'éternité et le poids écrasant de l'incommensurable. Toujours vivant. Parce que la peur, parce que l'obscurité. Parce que la fragilité. Et il suffirait d'un rien. Il suffirait d'un rien. Soudain, j'entends le rire clair d'un enfant, pur et joyeux et instantanément tout se remet en place. Tout émerge et je me réapparais. Vivant conscient dans le monde vivant conscient. Fragile et continue.

Fragile la vie la magie dans les territoires arides. Fragile l'avenir en train de naitre le rêve qui apprend à se concrétiser. Fragile la complicité dans son bourgeonnement le sentiment entrevu et encore inavoué. Fragile la conscience au moment de son déploiement la première danse le premier mouvement. Fragile l'envol au bon moment. Fragile le pouvoir à bon escient. Fragile la vision du monde à venir la mesure de la trajectoire à parcourir. Fragile la justesse de la violence l'espoir né de la connaissance. Fragile le contrôle. Fragile l'amour. Fragile le génie. Fragile la nécessité de la folie. Fragile est tout ce qui lutte. Fragile est tout ce qui vit. Fragile est la douceur de la nuit la richesse du jour. Fragiles sont toutes ces limites et que sont fragiles les contours. Que sont fragiles nos temps nos croyances nos sentiments! Si fragiles nos rêves nos colères nos emportements! Fragiles comme un miracle une anomalie une chance un impossible qui existe et suffit. Fragile la communion la fête le peuple et tout ce qui agit. La création est fragile. Terrible la beauté est fragile.

mardi 7 décembre 2010

Fragile 1

Chacun, tout autour, a une histoire à raconter, drôle ou fascinante. Et je me tais, parce que je sais que mon lot est l'irracontable, et cette présence silencieuse qui rampe dans mon ombre. Au milieu des rires, je me sens fragile et je me vois ricaner sans conviction. Discrètement, je m'approche du bar pour remplir encore mon verre, espérant desserrer un peu cet étau qui retiens ma poitrine, tromper la paranoïa, cherchant un fond de joie dans la promesse d'un oubli que je sais impossible. Quelques verres encore, et ça ira mieux, quelques verres pour retrouver un vrai sourire et pour voir un peu plus clairement les visages.

Fragile roseau, incassable, contre le vent, vert pâle en dessous d'un ciel d'acier. Petits pas sur la glace neuve du canal. Petits pas vers l'autre rive. Vers l'horizon qui s'éloigne. Ligne d'ombre dans mes rêves d'incendie, d'orgasme et de domination. Ligne d'ombre dans mon pressentiment. L'absence de lune me remplit de terreur. L'absence de sentiment m'emplit de fureur. Ne me touche pas. Geste fragile suspendu dans l'air froid. Jusqu'à ce que mes pensées se cristallisent, simples et tranchantes. Ne me touche pas. Suspendons cet échange jusqu'à la prochaine lune, jusqu'au dégel, jusqu'à l'ajournement de cette éternité.

Fragile sous la neige, protégée seulement par son sourire, probablement trop belle, probablement trop jeune. Elle attend quelqu'un, certainement. Un peu gênée, elle rit quand même et cela éclaire un pan de la nuit. Quelque chose d'ailleurs vit en elle et quelque incertitude qui ravive la vraie beauté des filles. Fragile protégée par sa fragilité. Les promesses de joie et de douceur restent suspendues entre les mots, le froid les retient puis les alourdit et elles retombent entre nous, parfois sur nos mains. Et tour à tour, nous frissonnons, elle et moi. Quand un silence tant attendu s'installe, je me sens tellement vulnérable et sans penser ma main touche son visage, je caresse ses lèvres. Quand son amie arrive, je la laisse partir et la vois, s'éloigner un peu plus forte, plus aguicheuse et plus solide. Elle m'a offert une part de sa vive fragilité.

lundi 6 décembre 2010

Ici. Encore.

Ici. Un champ. Mon corps entre ciel et ciel, caressé par les étoiles. Vaincre la gravité, à tout moment. En attendant les ailes, et la dernière saison. Un chant s'élève, et avant de retomber flotte un moment, saluant élégamment la lune vague qui orne ce temps. Cette mélancolie douce et fragile, face à ce qui est perdu dans le royaume des exils, sans jamais complètement disparaitre. La nuit un rythme qui nait dans le cœur qui bat puis se déploie couleurs et espace. Un rythme qui pulse, vie et amour, entremêlés, joie et fureur, danse nécessaire.

Ici. Un lac. Mon corps entre les eaux. Caressé par des esprits élémentaires. Si près d'une origine indiscernable. Et si loin. Dans les eaux obscures, lu par les flux, silence immergé dans le silence, je me vis vivant dans le vivant. Et je suis le calme abyssal d'un lac sombre sous un ciel clair. Ici, parmi des créatures aveugles, qui dans l'obscurité inventent la lumière comme l'accomplissement d'une promesse ancestrale. Ici, immuable éternité, où tout se meut et tout est conservé. Ici, un feu froid persiste et se perpétue, infaillible.

Ici. Parfois. Ton corps un pays qui me rêve et se révèle. Ton corps jouvence me tremble dans les remous du plaisir. Ton abandon trompe mes résistances. Tes yeux sont ce phare qui me guide vers le naufrage. Je t'aime, peut-être, mais j'ai d'abord aimé ces récifs qui ne cessent de se briser et renaitre contre ma volonté d'annihilation et de vie. Ton corps plus fertile que toutes les terres que j'ai parcouru, plus humide que toutes ces banquises qui me hantent. Ton corps, ici, mes ailes, mes chaînes, mon sommeil tant attendu. Ton corps, ici, joyau vif qui orne ma folie.

Ici. "Flip Side".

Ici, encore. Un peu serré, peut-être. Un peu à l'étroit, c'est vrai. Mais des travaux sont en cours. Mes auxiliaires sont déjà au travail. Je ne sais pas qui ils sont exactement, mais ils sont efficaces. Rien à dire. J'ai pensé aménager un jardin intérieur, avec des roses et des tulipes. Mais finalement j'ai opté pour une salle d'armes, lumineuse, avec un parquet en bois de Finlande. Haute de plafond, avec des râteliers argentés et toutes les armes qui me semblent nécessaires. Sabres et épées, de pointe et d'estoc, arcs et arquebuses, arbalètes et poignards. Armes à feu, fusils et révolvers, pistolets et carabines. Fusils d'assaut, mitraillettes et bazookas. Lance-flammes, stilettos et baïonnettes. Toutes sortes de grenades, de mine et de drones. Des avions avec et sans pilotes. Des missiles sol-air, air-sol, air-air, sol-sol et continentaux. Dans un tiroir, il y a quelques bombes atomiques, deux-trois bombes à hydrogène et une arme secrète. Dans un placard, j'ai un robot du futur, indestructible grâce à son bouclier électromagnétique et qui peut tout détruire avec son faisceau à particule. Je suis prêt. Maintenant je suis prêt et je t'attends. Tu peux venir ici quand tu veux. Avec tes robes à fleurs, tes talons hauts ou tes jeans moulants et tes escarpins, le vertige de tes décolletés, ta voix suave, tes yeux brillants. Je suis prêt maintenant. Je t'attends.

Ici, encore. Protégé du froid. Je me suis aménagé un petit bunker, grand comme un bar, chauffé, aéré et où on a le droit de fumer. Avec un juke-box qui ne joue que des marches nuptiales. Toutes les boissons du monde et un stock de plantes très très médicinales. Lumière discrète, décor sobre et authentique, ambiance feutrée. Ici, je suis protégé. J'ai dix-mille boites de préservatifs et deux poupées gonflables, une blonde et une brune, pour alterner. Une collection de magazines porno qui remonte à 1986. J'ai une poule et une chèvre. Pour les œufs et pour le lait. Une tonne de raviolis lyophilisés, des sardines congelées, de la viande séchée et des légumes déshydratés. Je m'en moque, maintenant, tout peut arriver. J'ai tous les livres de Marc Lévy, tous les films de Besson. Ici, je pourrais tenir longtemps. Longtemps. Longtemps.  

vendredi 3 décembre 2010

Ici

1. Commencer, s'il le faut. Et il le faut. Commencer par l'invocation, comme il se doit. Muse assassine, reine de violence, j'invoque ton nom et invoque ta présence. Prête-moi ta main rouge, celle qui tient l'arme. Et sonne pour moi les cloches, la corne de brume et l'alarme. D'ici, je m'en vais guerroyer. De ta main blanche, meurtrière dans sa douceur, arrache mon cœur pour un moment et efface de ma peau tous les sentiments. Que le rêve ne se trouble pas à l'heure de blesser, que mes crocs ne s'émoussent pas au moment de mordre.

2. D'abord. D'abord, il y a cette idée folle, cet espoir éternel, inaltérable: un jour nous serons...Que serons nous d'ailleurs? Évidemment, l'impossible est impossible. Le moindre. Le moindre individu serait d'accord avec ça, évidemment! A quoi bon répéter, se répéter et gaspiller autant d'énergie à nous faire comprendre que l'impossible est impossible? Il faut être extrêmement...extrêmement stupide ou terriblement déterminé pour vouloir démontrer que ce qui est est...Mais nous allons finir par douter de nos propres possibilités...ou de nos propres limites. Rassurez-moi! L'impossible est encore impossible, n'est-ce pas? Ou bien est-ce moi qui délire?

3. Comme lâcher
comme lâcher des bêtes sauvages sur une foule paisible
comme lâcher des fauves dans l'arène obscure
comme lâcher la meute de chiens affamés sur le gibier
comme lâcher les démons en furie sur le troupeau des croyants
comme lâcher
comme lâcher des chevaux sauvages dans la plaine infinie
comme lâcher des rêves voraces dans les cieux de la pensée

4. Ailleurs, dis-tu? Où ça? Ailleurs est si vaste, quand ici est si étroit. Ailleurs et qu'importe. Surgis tel que tu es de ton antre sur-éclairée. Hors de la lumière artificielle qui fausse ton ombre et déforme tes proportions. Surgis à la nuit et ses étoiles brûlantes. Rien ne peut occulter ta forme insaisissable. Rien ne peut cacher les cicatrices que ton corps chérit, glorieuse collection, carte de ton âme confinée dans le silence de la peau qui tremble. Surgis calme et sans prétention, conscience, quoique déséquilibré.

5. Qui est-tu enfin toi qui me regarde m'observe me questionne qui es-tu toi qui par delà l'abîme me contemples et m'observes compte mes pas mes gestes énumères mes grimaces numérotes mes organes qui es-tu toi moi qui me guettes m'empêches m'arrêtes et m'attrapes me rattrapes me blâmes me retiens qui es-tu enfin toi moi qui me parles m'écris me vis et m'existes je m'existe je crois je m'existe sans toi avec toi contre moi tout contre toi me voici ici toi ailleurs toujours et de plus en plus sans silence tout autour vivant déplié comme ça debout fantôme reconnais ton reflet que t'importe je m'existe et tout cela verrouillé pour que je me te réel et fuis dors maintenant dors avec le jour avant que la nuit ne veille ne veuille s'enreplier.

6. Rien. A perte de vue. Vraiment rien. Ni ciel. Ni terre. Ni aucune représentation de l'espace. Aucune présence tangible. Ce n'est pas non plus le néant. Ce n'est pas tout à fait dépourvu de sensations et de sentiments. Juste rien. Rien de visible. Rien de concrètement perceptible. Le vide. Un calme sans violence. Sans arêtes tranchantes. Ni éclats aveuglants. Et puis l'ennui. Et l'impatience. Évidemment. Oh! Ce n'est qu'un rêve. Je crois que c'est un rêve. Ouf! Quand on rêve, il reste toujours le réveil.

7. Tout cela a commencé bien avant moi. J'ai été retardé. Par quoi, qui, pour quelle raison? Je ne sais pas. Mais je suis ici. Je veux croire que je suis ici. Je ne vois pas d'autre explication. Parce que je parle. Du moins je crois que c'est moi qui parle. Je m'y tiendrais. Tant qu'il n'y a personne pour me contredire. Je verrais après. Ici il n'y a que moi. Enfin. Personne ne se manifeste. Ici. Aucun signe d'une présence autre que la mienne. Tant mieux. Pour le moment. Cela m'évitera de me disperser. Il faudrait que je rattrape le temps perdu. Quand j'ai été retardé. J'ai l'impression d'avoir été retardé. Cela expliquerait ce sentiment d'urgence. Mais c'est peut-être faux. Ce n'est peut-être qu'une mauvaise interprétation de ma part. Ou un défaut inhérent à mon caractère. Caractère. Quel mot étrange. Je n'ai jamais pensé m'en servir. Mais le mal est fait. Un mot qui n'éveille rien en moi. Qui suis-je moi? Quelle question que celle là? Je ne suis que celui qui parle. Ici. Et cela devrait suffire.

8. Et parfois, je ressens sa présence. Quelque chose est là, à me contempler à travers le silence. Terrible et mystérieuse, elle tend vers moi ses limites, au-delà du temps, à travers l'espace. Emplie des douleurs à venir et des joies cachées. Mélancolie d'abord, conscience de la finitude et de toutes les impossibilités. Ici parce qu'il n'y a qu'ici. Malgré tous les ailleurs. Ce rêve, toujours, encore. Ce rêve que je ne peux empêcher. Ces souvenirs qui se tordent, se déforment, mais qui ne veulent toujours pas s'effacer. Ici. Encore. Malgré moi ou exactement comme j'ai voulu. Ici et me déploie.

9. Ici, quelque chose tremble en toute beauté. Ici, malgré l'ombre, les gestes sont calmes et les regards brillants. Ici, même les couleurs vibrent en rythme, se touchent, se fondent et se retrouvent, changées. Ici, tout s'inverse à tout moment et s'inverse encore sans prévenir. Mais il n'y a jamais aucune raison de s'en inquiéter. Ici, tout recommence mais rien ne se répète. Ici, règne un nouveau monde, règne une nouvelle physique sans observateur et sans équations. Ici, règne la fluctuation. Ici je suis et il n'y a que moi. Il y a autre chose mais il n'y a que moi. Autre chose qui est et n'est pas moi. Ici, il y a plus et moins que moi. Je suis ici, d'abord. Je pense. Mais ici je ne pense pas. Je vois le ciel. Je crois. Je devrais dire un ciel. Je ne devrais pas dire que je vois. Ici, un ciel. Ça devrait suffire. Même si ça ne suffit pas. Ici, il y a juste moi sous un ciel. Il y a une terre, une matière et un corps qui les soutient. Ici est un ailleurs qui ne cesse de se mouvoir vers ailleurs. Ici c'est là où tu n'es pas. C'est là où la nature gronde, chante ou rit, sans égards pour toi. Ici, ton arithmétique n'opère pas. Ici, les nombres sont premiers ou ne sont pas. Ici, pas de statistiques, pas de calculs intéressés. Ici, pas de hasard et pas de probabilités. Vous qui entrez ici abandonnez votre peau, vos drapeaux et vos vérités. Mais ici, il n'y a que moi. De toute éternité. Même le temps, ici, s'est dissout, est devenu liquide et doucement s'est évaporé. Il est devenu aérien. Un espace où mes corps flottent. Un espace où mes rêves s'entre-dévorent. Ici. Ici, c'est moi. C'est tout ou rien. Ici, je t'ai rêvé. Je t'ai dessiné. Je t'ai créé. Je t'ai abîmé. Je t'ai soigné. Et je t'ai laissé partir...