jeudi 9 décembre 2010

Fragile 2

La réalité du monde semble flotter. J'ai l'impression que toute la ville est en carton-pâte et que tout s'effondrera si j'éternue. Les gens sont des hologrammes qui ne sont là que par la magie des effets spéciaux. J'ouvre les yeux et ne vois rien. Les fils de la destinée sont alors si fragiles et je ne suis qu'une marionnette abandonnée dans un castelet désuet. Et je m'agite, croyant conjurer l'accident, l'absence du marionnettiste ou la dissolution du décor. Me rattrapent alors la logique et l'aiguillon de la panique. S'il n'y avait, s'il n'y avait cette peur métaphysique, je me croirais libre, toujours fragile mais joyeux d'être libre. Et cela s'obscurcit pour devenir une scène sans lumière, autant dire une caverne, autant dire un trou. Témoin de la disparition du monde, il ne me reste qu'à disparaitre à mon tour. Me voilà revenu au début des hommes, seul, sans personne contre qui me blottir en grelottant, craintif dans la nuit menaçante, terrifié par un dehors incompréhensible, nécessairement hostile, nécessairement malveillant. Humain, fragile, secoué par la naissance, à jamais prématuré, toujours incomplet. C'est surprenant, mais je suis encore vivant. Malgré la peur, malgré l'obscurité, malgré l'éternité et le poids écrasant de l'incommensurable. Toujours vivant. Parce que la peur, parce que l'obscurité. Parce que la fragilité. Et il suffirait d'un rien. Il suffirait d'un rien. Soudain, j'entends le rire clair d'un enfant, pur et joyeux et instantanément tout se remet en place. Tout émerge et je me réapparais. Vivant conscient dans le monde vivant conscient. Fragile et continue.

Fragile la vie la magie dans les territoires arides. Fragile l'avenir en train de naitre le rêve qui apprend à se concrétiser. Fragile la complicité dans son bourgeonnement le sentiment entrevu et encore inavoué. Fragile la conscience au moment de son déploiement la première danse le premier mouvement. Fragile l'envol au bon moment. Fragile le pouvoir à bon escient. Fragile la vision du monde à venir la mesure de la trajectoire à parcourir. Fragile la justesse de la violence l'espoir né de la connaissance. Fragile le contrôle. Fragile l'amour. Fragile le génie. Fragile la nécessité de la folie. Fragile est tout ce qui lutte. Fragile est tout ce qui vit. Fragile est la douceur de la nuit la richesse du jour. Fragiles sont toutes ces limites et que sont fragiles les contours. Que sont fragiles nos temps nos croyances nos sentiments! Si fragiles nos rêves nos colères nos emportements! Fragiles comme un miracle une anomalie une chance un impossible qui existe et suffit. Fragile la communion la fête le peuple et tout ce qui agit. La création est fragile. Terrible la beauté est fragile.

1 commentaire:

  1. ..."Tout émerge et je me réapparais."...

    plus je te lis, plus je me dis que tu n'as pas besoin de commentaire, et puis, je sais quand même que c'est bon d'être lu...ppppffff...!!

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