mardi 14 décembre 2010

Et un temps pour la fureur.

Aiguise tes dents. Ne coupe pas tes ongles. Ne te rase pas. Ne t'épile pas. Laisse grandir ta faim. Ne calme pas ta douleur. Ne cherche pas à rassurer. A te rassurer. Jette toutes tes drogues, tous tes médicaments. Repose-toi mais ne dors pas. Rêve mais ne dérive pas. Efface tes signes distinctifs, tes tatouages, tes empreintes. Affûte ton regard et tes réflexes. Retrouve la cruauté de tes gestes. Nettoie tes armes. Invoque, si tu veux, les dieux anciens, les mânes de tes ancêtres. Ressuscite en toi-même un sang impitoyable, la soif de carnage et tout ce qui dort en toi comme folie et comme rage.
Si tu commences à entendre des voix, ne t'inquiète pas. Ce ne sont que toi et toi et l'autre et l'animal et les pierres qui se réveillent. Si tu vois des lumières clignoter, ne cherche pas à leur trouver un sens, ce n'est que la ville qui te tente. Et quand un voile tombera devant tes yeux, quand les couleurs cesseront d'être tout à fait naturelles, ne panique pas. Tu seras juste en train de perdre connaissance.

Rêvé calmement
rêvé des chevaux qui traversent la plaine
rêvé des corps entrelacés
rêvé un chant ailé qui s'envole
une danse enivrée
rêvé calmement.

Rêvé furieusement
rêvé ton amour qui déchire mon âme
rêvé un réveil dans tes bras
rêvé une cavalcade
une fuite dans l'obscurité
un feu de bois
rêvé furieusement.

Voilà mon cœur. Je te le confie. Prends-le. Garde-le. Cache-le. Il faut que je m'en aille. Il faut. Je reviendrais, peut-être, vers toi. Prends soin de ce cœur, je reviendrai, peut-être le chercher. J'aurais aimé rester près de toi. Collé à ta peau, solidaire de ton souffle, sans bouger, sans remuer. Présent à ton amour. Présent à mon oubli. Mais les chiens de feu ont retrouvé ma trace et le monstrueux rapace qui plane sur ma destinée s'apprête à planter ses serres dans cette chair usée. Je m'en vais à regret. Je m'en vais, sans choix, emporté. Mais une part de moi reste. Et ce que nous avons partagé ne sera pas perdu, ne sera pas effacé.

Une vision où tu hurles puis aboies, ton visage déformé, tordu par la rage. Je ne veux plus jouer. Tu as compris? Arrête! Des clans, des hordes, des groupes épars. Ah! Ce bon vieil instinct grégaire! Le meurtre fondateur puis le bouc émissaire. Et un sacrifice rituel, de temps en temps, pour évoquer ces bons vieux souvenirs. Oh! Tout va bien, n'est-ce pas? Nous sommes si bien tous ensemble! Répétez après moi! Tenons-nous les mains! Serrons-nous un peu plus les uns contre les autres. C'est si agréable de se sentir unis, compris. Et en plus _quelle chance nous avons!_ nous avons un ennemi. Approchons-nous encore les uns des autres. Vous l'entendez hurler dehors, n'est-ce pas? Mais tant que nous sommes ensemble, il ne peut rien contre nous. Nous l'aurons un jour! Quand nous serons suffisamment rassurés, quand lui sera vieux et décharné, nous sortirons d'ici tous ensemble en rangs serrés, nous serons forts et soudés. Vous l'entendez? Vous l'entendez? Un jour nous sortirons d'ici pour le convertir ou le manger. Il ne perd rien pour attendre. Mais nous avons le temps. Restons serrés. Restons groupés.

Certains soirs, les nuages se dispersent et vont vaquer à leurs occupations. Pour me permettre de voir une étoile. Mon étoile. Une étoile c'est beau, mystérieux et terrible. Quand on est trop près, la chaleur qu'elle émet consume tout et il est impossible de contempler sa lumière et d'apprécier sa beauté. Trop loin,  on la distingue mal, on ne connait rien à ses humeurs, on reste là à rêver, dans le froid de sa distance. Pour aimer une étoile, il faut trouver la bonne orbite. La bonne trajectoire.

Je ne peux m'empêcher de penser à tes phrases vibrantes, à ta fraîcheur inquiète, à tes joies violentes. Je prétends ne rien savoir, quand je sais trop exactement, ce que ces liens me font, ce que cette douleur amène. Et je prétends ne rien savoir. J'ai désespéré d'oublier tant de douceur et cet appel d'éternité. Cet instant qui nous happe vers des rêves sans vanités. Je vois la rivière qui s'écoule. Une part de moi s'y noie. Une part de moi est emportée. Mais de ce flux je vais renaitre, contre les rives ou contre les rochers. La mer est le destin des ruisseaux, et peut-être l'océan agité. J'aurais tellement voulu me taire, me faire oublier. Mais je suis là. Avec ou sans choix. Tel que je suis et tel que je parais. Malheur à moi et quelle joie de ne pas oublier.  

 

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