lundi 31 janvier 2011

Sorcier: samedi

Quand vous avez inventé la mort
je tournoyais avec une adolescente
dans une cave mal-éclairée
et mon téléphone ne captait pas.

Quand vous avez inventé la mort
la terre a tremblé dans un soupir
l'océan cessa de rire
les pierres ne faisaient que chuchoter
elles ne parlaient plus.


Samedi. Je m'éveillai Gare du Nord, à l'arrivée de l'Eurostar de Londres. Je laissai venir les anglaises jusqu'à me souvenir que je n'attendais personne. Je fermai les yeux. Pour fixer mon regard sur toi. Rien que toi.
Samedi. Lendemain de fête. Samedi la veille de toutes les victoires, toutes les messes, toutes les défaites.
Quelques heures plus tard, je m'éveillai à l'attente. Les urgences de l'hôpital Lariboisière. Je vérifie. Je vérifie. Mais je n'ai rien. Même pas mal. Je me souviens de tout. Et de rien. Je suis bien. Rien d'anormal. Et rien ne me gratte. Rien ne me dérange. Je fais contraste. La douleur en négatif. C'est n'importe quoi! Quand le médecin me demande ce que j'ai, je ne sais pas quoi inventer. Je lui raconte que quelque chose tremble en moi et me remplit de joie. Que tout semble doux et vivant, en moi et hors de moi. Je lui dis que je ne suis pas inquiet. Que je n'ai mal nulle part. Sauf au moment de ces violentes érections où mon pantalon me semble très serré. "Non, je ne me suis pas drogué. Vous pensez que je devrais?" Il me fait évacuer par les vigiles en hurlant que les amoureux le font chier. "Mais moi aussi, je répondis. Moi aussi."

Samedi. Une veille pour un lendemain.
Il est encore tôt
et ça va être long.
Surtout sans toi. Mais tu es là. Je suis là. Je flotte sûrement, mais je ne dérive pas.

Ouvre les yeux, je me dis. Mais ouvre les yeux! C'est dangereux une ville les yeux fermés. Café. Clope. Calva. Café. Brioche. Clope. Café. Calva.Café. Calva. Merde! Il est encore tôt. Café. Calva. Clope. Clope. Téléphone. Téléphone. Téléphone. Calcul. Téléphone. Rendez-vous. Téléphone. Complot. Toujours tôt. Ça va être long, je te dis. Ne ferme pas les yeux. Non. Claque. Ne ferme pas les yeux. Claque. OK! OK! Ça va! Ça va! Café.

Je n'ai pas fermé les yeux, je te jure! Mais je ne sais pas où je suis. J'ai peut-être cligné des yeux. Ça va! Claque. Clope. Ça va! Pas de panique. Ne pas courir dans tous les sens. Prends le temps! Respire. Clope. OK! Le Nord c'est par où? Je ne sais pas. L'Est alors? C'est facile ça, non? Mais je n'en sais rien! Je ne vois pas le soleil. De toute façon, il bouge tout le temps, le soleil. Moi je suis fixe. Ici. J'entends une voix connue me dire :"Super! Tu es pile à l'heure." Mais...Mais je suis au bon endroit, au bon moment. C'est pas beau ça. Je devrais me faire un peu plus confiance. Au lieu de chercher le Nord, ou l'Est, ou je ne sais quoi.

Samedi: un mémorial pour les fous
Il est encore tôt
Mais là, samedi-c'est-parti
J'attache ma ceinture
rachète des clopes
Je pense à toi
je bois une bière 
les yeux grands ouverts
Samedi c'est parti
avec tendresse je pense à hier
mais là c'est samedi
et samedi c'est les conneries
Samedi-Sorcellerie.

Je n'aurais peut-être pas le temps d'écrire. Je serais, parfois, bref, succinct. Je ne raconterais pas tout. Et j'éviterais de rentrer dans les détails. Bon! Je verrais. Ce sera long. Alors je tairais certains moments. Je ferais probablement des ellipses. Ou je m'arrêterais. Je ne raconterais peut-être rien. Je verrai. Mais c'est samedi.

Samedi-Commando
toujours en petite équipe
une brigade au moment du parachutage
Après on verra
entrainés armés infiltrés
méfiance maximale
samedi à paris
que des imposteurs des allumeuses des menteurs
camouflage
énumération des objectifs
compte des cibles potentielles
et surtout surtout
être totalement présent
et complètement inconscient
mobilité efficacité solidarité:
les avantages d'une petite équipe
garder le bon niveau de sang dans le corps:
Au minimum
compléter toujours l'alcoolémie
avec les bons produits
et d'abord d'abord
rire, en rire
Rester en vie. Rester en vie.

Personnellement, je n'y crois pas. Mais il parait que tout commence quelque part. Alors un bar, avec des miroirs. Ils sont nombreux. Ils sont identiques. Je prends les paris. Si je prends quelqu'un au hasard, vous pariez combien qu'il va prétendre qu'il est artiste, graphiste, cinéaste ou producteur? Je me dis, encore une fois, que je m'abandonnerais bien une heure ou deux aux lèvres de la barmaid, encore une fois. Mais bon! C'est déjà une vieille histoire. Et puis je ne me souviens plus de son prénom. Peut-être que si! En fait non! Le sourire est professionnel, mais le regard qu'elle me lance me dessoule instantanément. Il est temps de remonter le niveau d'un cran. Il est encore tôt. Et ce sera long. Whisky. Un double. Tu sais déjà. Sans ce regard de meurtrière et sans glaçons. Bon! Intermède whisky et moquerie. Oui-c'est-qui? Qu'est-ce que tu fais dans la vie? Et ta mère? Et ta sœur? Qui fais quoi? Qui veut baiser qui? Des ragots sans consistance. Le jeu habituel de la basse cour. Peu importe, c'est samedi. Je ris encore. Mais je m'ennuie. Je traine encore. Pour une ou deux jolies filles. N'empêche, je m'ennuie. Entre deux dealers. Entre deux jeux de mots. Je mets la langue. Et en accompagnant cette rousse aux toilettes, je crois que je ferme les yeux.

Samedi-Sorcellerie
tout est possible 
et rien aussi
Je peux disparaître
réapparaitre
je peux voler
me souvenir et oublier
oh! normal!
c'est samedi

Que m'est-il arrivé? Que s'est-il passé? Je ne m'en inquiète pas. Aucune importance. Que vive l'inconscience.
Des images. Des mirages. L'inapaisable envie de toi. Et l'arrêt. Revenir à soi. Calme quand la ville dérive. Quelques heures plus tard. Quelques heures trop tard. Enfin seul. Sur une place déserte.Dans l'ombre de samedi. Un lendemain qui approche déjà. Quelque part au-delà du jour. Au-delà de la nuit. Avec et sans toi. Rêve vécu. Mon corps un chant tissé dans le corps de la nuit. Et tout se déploie, s'étale. Tout existe. Persiste un moment et s'envole. Un ciel pour le ciel. Des ailes. Seul sans être seul. La vie autour de moi, à travers moi, en moi, un fleuve lumineux. Je n'ai rien à défendre. Tout est protégé. Tout est libre. Tout est vrai. Pour un instant peut-être. Et tout est suffisant. Le regard fixé sur toi. Sur le chemin de retour. Je sais. Tu sais. Je ferme les yeux doucement. Délicieusement, mon irrépressible désir pour toi. Un désir de vie. Toi, la vie et moi.
Je ferme les yeux.



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1 commentaire:

  1. magnifiquement épuisant! cette lecture m'a essoufflé !

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