lundi 18 octobre 2010

Daimôn 1

Soudain s'éveiller
à un autre présent
je suis là sans armes
sans armure
je m'éveille
du rêve d'une guerre
ancienne
vaincu ou vainqueur?
ces notions semblent
si lointaines.

Soudain ouvrir les yeux
ouvrir
un autre espace
je suis le même
face à une autre époque
le ciel est plus vide
que tel que je l'ai connu
mon cœur bat à la même cadence
mais l'ombre des dieux n'y habite plus

Ce corps est toujours mien
même si la posture diffère
cette pensée me ressemble
mais mes souvenirs ont acquis
d'autres couleurs.

Ah! Le temps, quel stupide mystère!

Me manque l'odeur des chevaux
ici je ne sens que la dure matière
enfin! C'est ce que nous sommes devenus
il faut m'y faire.

Rien n'a changé.
Dans les profondeurs, rien n'a changé.

Prométhée
condamné pour vol de briquet
à souffrir pour l'éternité
entre un aigle et un rocher.
Zeus-Pompier à une drôle
de manière de justifier 
son hégémonie.

Mais ce feu ne s'éteindra pas de sitôt!

Ne te brûle pas 
jolie demoiselle
ne noircis pas encore
ta belle robe
Reste proche mais pas trop
et ne te perds pas dans 
l'ombre des ruelles.

Héraclès
qui ne voulait jamais rentrer chez lui
de la folie jusqu'au feu
de monstre en monstre
se cherchait un chemin
et à chaque combat
c'était son image qu'il tuait
contre lui-même
il se battait
toujours vainqueur
et jamais victorieux

Brûlera Carthage
et brûlera Héraclès
pour rejoindre le sommeil des dieux

Restera le feu
le phénix entêté renaîtra encore
de mes cendres et des tiennes
pour agiter les hommes
et les corps des hommes
pour toujours les jeter hors de 
leurs nids hors de leurs rêves
Le feu peut parfois s'apaiser
mais ne connais pas de trêve.

La Babel Suspendue
ou
La Mecque des Requins
La Rome Glorieuse
ou
Le Paris du Crépuscule
une ville est une ville
le feu y crépite
et les monstres s'y dévorent
se recrachent
puis recommencent
elle a toujours ses temples
ses autels ses idoles
les hommes n'ont pas changé
seulement les mécaniques
les désirs sont les mêmes
n'a changé que la technique

Je commence à saisir le rythme
des enseignes sur ce boulevard
Je commence à comprendre
le sens des feux qui régulent
le flux des hommes
et des machines
Toute une semaine debout
sur ce même trottoir
je crois que je suis prêt
j'ai enfin compris
je suis prêt à traverser
sans me faire écraser
par le premier char.

J'apprends vite.
J'ai appris qu'ici
pour dire taverne, il faut dire bar.
J'ai appris aussi
que chasseur de monstres
n'est pas un métier très respecté.
Je sens l'odeur des monstres
mais ils ne sont pas faciles à distinguer.
Tout semble paisible, ici,
pourtant ça sent la guerre.
Tout est mélangé.
Indifférencié.
Je crois que je vais m'y plaire.
...

Primitif, dans le territoire. Nomade, tributaire du mouvement. Ah! Ce battement dans le sang. La joie du combat. L'excitation de l'inconnu, de l'incertitude! Ça fait rêver. Je crois que je suis né par curiosité, et là, dans cette ville folle, il y a tant à vivre et tant à conquérir. Un poisson dans la bergerie. D'abord décoder. Comprendre les enjeux. Cartographier les rapports de force. S'imprégner, mais ne jamais se dissoudre.. Percevoir les flux, les mouvements du courant. Mais ne pas se laisser emporter. C'est drôle, parfois. En apparence. C'est comique les motivations des gens. Leurs délires. Leurs frustrations. Mais c'est mortellement sérieux. Comme partout, de tout temps. Ces petits arrangements avec des petites vérités. Ces négligences. Ces approximations. Comme partout, de tout temps. La vie qui dévore la vie. Mais, parfois. Parfois quelques perles, quelques raretés. Une inaltérable beauté. Perçue, frôlée, touchée, au prix d'un effort incommensurable des hommes pour être Hommes. Pour un instant.
...

Il faut que je m'affole!
à petits pas!
je n'ai pas peur 
je crois que je n'ai pas peur. 
Je suis là où je suis.
Est-ce que j'ai une mission?
Je ne sais pas.
Peut-être que j'ai oublié.
Ça reviendra.
S'il le faut.
D'ici là... héhé..
J'ai le droit d'errer.
De vivre sans but.
De dévorer. 
D'aimer peut-être...
De rêvasser. Hé!


Je viens d'ailleurs. De Je-ne-sais-où. Et ça me convient parfaitement.
Impossible de faire autrement.
Je suis vivant. Je crois.
Et la vie a ses propres impératifs. Son propre agenda.


Quelqu'un me regarde. Quelqu'un me voit.
Rien n'a changé de ce côté-ci.
La flamme dans le regard est la même.
Je peux déchiffrer. Les corps.
D'animal à animal.
Sans tergiverser. Sans se mentir.
L'infinie distance. La proximité.
Se reconnaitre. Se renifler.
Tout recommence. Commence. Renaît.
Je te connais. Tu me connais. Oui, si on se le dit.
Ah!
Toujours cette envie de se perdre. De se noyer.
C'est beau.
A pleurer. A mourir de rire.
S'enflammer.
Revenir encore. Encore.
Revenir aux hantises
et à l'être inachevé.
Continuer.

Au-delà de ma carcasse.
Au-delà de ma peau.
Au-delà de l'irritation des sens.
Au-delà...


Il y a cette innommable présence. Ce joyau aux éclats sombres. Derrière les voiles, persiste le mystère qui brille sur tous les mystères. J'entends l'appel, clair et brûlant. Partout, au cœur de tout, il y a ce lac sombre sous un ciel clair. Une indestructible éternité. Ni source, ni destinée. Infiniment mobile dans son immobilité. Ni futur, ni passé. Elle est ce qui rêve et ce qui est rêvé. Ni origine. Ni finalité. Elle est là. De tout temps. Au-delà du temps. L'essence définitive du vide qui crée, consume, se consume. Et là, maintenant, dans cet espace, je perçois son indéchiffrable appel. Ma pensée, mon discours, ne peuvent pas la définir et ne peuvent pas la changer. Elle n'a rien d'humain. Et rien que la science pourrait apprivoiser. Elle est là. Suffisante. Indépendante. Une puissance absolue qui traverse tout, maintient tout. Ni divinité. Ni matière. Existence. Indifférente.
Et elle appelle...
Ou est-ce moi qui l'invoque?

Me revoilà possédé.

 
...
[A suivre]









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire